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LA LIQUIDATION
DE
LA TURQUIE D’EUROPE

Enfin les préliminaires de la paix balkanique ont été signés à Londres le 30 mai à midi. Entre la vieillesse caduque de l’Empire ottoman et l’impatiente jeunesse de ses héritiers, la force des armes a définitivement prononcé : Constantinople reste inviolée, mais la Turquie ne garde plus, au delà du Bosphore et des Dardanelles, qu’un pied-à-terre, une tête de pont. La logique supérieure des événemens a fini par réaliser les solutions depuis longtemps prévues et nécessaires. Presque toute l’ancienne Turquie d’Europe devient le prix de la victoire, magnifique trophée, tel que, depuis Napoléon, n’en recueillit aucun vainqueur, mais qui menace de devenir, entre les quatre associés, un objet de discorde, peut-être une source de conflits. Le moment où les grands résultats sont acquis, mais où ils n’ont pas encore pris leur forme de cristallisation définitive, où la pâte reste encore malléable et les passions encore brûlantes, est favorable pour marquer l’extraordinaire importance d’une transformation de la carte politique de l’Europe dont l’ampleur dépasse tout ce qui est survenu depuis un siècle, et dont les conséquences tendent à modifier profondément les assises de l’équilibre européen. Nous expliquerons par là même pourquoi et dans quelles conditions le partage d’un si riche butin provoque, entre les anciens associés, de violentes compétitions qui peuvent aller jusqu’à la guerre.