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Pas plus à son aile droite qu’à son aile gauche, le maréchal n’avait été obéi. S’il l’avait été, nos corps d’armée se fussent trouvés, le matin du 16 août, en position sur le front de Rezonville-Saint-Privat. Le 16 au matin, Frossard n’est pas à Mars-la-Tour, Ladmirault n’est pas à Doncourt, Le Bœuf n’a que deux divisions sur le plateau, et l’instrument sur lequel comptait le maréchal n’est qu’à moitié formé.

Bazaine n’avait appris l’arrêt de Frossard à Rezonville que dans la soirée du 15, à huit heures, par un officier de Du Barail, puis, à minuit, par des rapports de Forton et de Frossard, mais il ignorait les agissemens de Ladmirault et ceux de Le Bœuf. Ses instructions pour le lendemain n’eurent pas la précision qu’elles auraient pu avoir si tous ses chefs lui avaient fait savoir qu’ils étaient là. Ce sont des instructions d’attente : il prescrit de faire manger la soupe aux hommes le lendemain matin à quatre heures et de les tenir prêts à partir à 4 h. 40, les chevaux étant sellés, mais ne devant être bridés qu’au départ.

A la fin de la nuit, l’intendant général Wolff, envoyé par l’Empereur, étant venu lui demander quelle direction allait suivre l’armée, il répondit que cette direction serait fixée dès qu’on aurait connu les intentions de l’ennemi, signalé sur notre flanc gauche. « Si j’avais tout mon monde réuni, je serais disposé à me jeter sur lui pour le refouler à Pont-à-Mousson ; dans le cas contraire, nous devons aller sur Verdun, qui deviendra notre nouvelle base d’opérations, restant prêts à donner la main à Metz au besoin. »

A la première heure, un officier lui apporte la nouvelle que l’Empereur l’attend. Il accourt, trouve l’Empereur, le Prince impérial et le prince Napoléon dans une calèche à quatre chevaux attelée à la Daumont et conduite par des artilleurs. Il s’approche, s’incline vers l’Empereur et lui demande respectueusement ses ordres. L’Empereur lui dit : « Je me décide à partir pour Verdun et Châlons ; mettez-vous en route dès que vous pourrez dans cette direction. Vous avez là trois millions de rations. La gendarmerie a quitté Briey par suite de l’arrivée des Prussiens. L’Autriche peut encore entrer en ligne ; ne faites rien d’irrémédiable. »

L’Empereur parti, Bazaine se rendit au quartier général où devaient être arrivées les dernières nouvelles des divers corps d’armée et les reconnaissances envoyées pour pénétrer les