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recule autant que l’on peut cette question douteuse et critique pour le gouvernement ; le public le sent et de là cette inquiétude, ce malaise dans tout le corps social.

Mais, trêve à la politique et passons enfin au Palais-Royal, où nous venons de faire notre dernière visite. La Reine et les princesses étaient placées comme de coutume autour de la table ronde, au bout de la galerie Valois, à côté de la grande cheminée. Le Roi était dans le salon qui précède la galerie et nous y reçut. Il passa après dans la salle du Conseil, les ministres y étant déjà réunis. La Reine avait l’air rassuré qu’elle prend toujours lorsqu’elle croit ses ennemis vaincus. Madame Adélaïde était rayonnante. Cependant, ces dames étaient mises avec plus de soin qu’aux jours où elles restent en famille et où la Reine ne reçoit que le peu de personnes qui ont la permission d’aller la voir tous les jours. Il y avait même quelques bougies allumées de plus. Madame Adélaïde, sans doute à mon air un peu étonné, comprit que je m’apercevais de ces petits changemens et me dit :

— Je vois, comte Rodolphe, que vous vous apercevez de notre toilette un peu plus recherchée qu’à l’ordinaire ; je vais vous mettre sur la voie pour vous épargner la peine de vous perdre en conjectures. L’Empereur et Donna Maria passeront leur soirée ici.

Son Altesse Royale avait à peine prononcé ces noms qu’on annonça Leurs Majestés. La Reine se leva aussitôt pour aller à la rencontre de l’Empereur et de sa fille ; elle leur fit de profondes révérences, puis elle embrassa la jeune Reine, la prit par la main, la conduisit vers nous et l’invita à se placer dans le fauteuil qu’elle (la reine des Français) occupe ordinairement et s’assit à quelques chaises de là.

Qu’on se figure une personne très forte pour son âge avec des traits dans le genre de notre famille impériale, beau teint, beaux cheveux blonds, pas très grande, assez forte de hanches, belles mains, joli pied et déjà toute formée, on lui donnerait dix-huit ans. Réunissez tout cela sur une même personne et vous avez Donna Maria da Gloria. Sa démarche, chacun de ses gestes me rappelèrent Mme la Duchesse de Berry. Sa timidité est extrême, son langage enfantin, son esprit peu développé.

L’heure de la retraite de Mademoiselle de Beaujolais avait sonné ; elle avait par conséquent déjà quitté le salon, ce fut un grand regret pour la reine de Portugal. Mesdemoiselles d’Orléans