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POÉSIES


HENRI HEINE


Quand je respire, des milliers d’échos me répondent...
H. HEINE.


Henri Heine, j’ai fait avec vous un voyage ;
C’était un soir d’automne, encor tiède, encor clair ;
Heideiberg reposait sous ses rouges feuillages ;
Nous cherchions, dans la rue aux portails entrouverts,
L’humble hôtel, romantique et vieux, du Chasseur Vert.

Je reposais sur vous, compagnon invisible.
Ma tête languissante et mes cheveux défaits ;
Un souriant vieillard marchait, lisant la Bible,
Sur la place où le jour, lumineux et sensible.
Jetait un long appel de désir et de paix...

C’était l’heure engourdie où le soleil s’incline ;
Par un mortel besoin de pleurer et de fuir,
J’ai souhaité monter sur la verte colline ;
Nous nous sommes ensemble assis dans la berline
Où flottait un parfum de soierie et de cuir.
Et nous vîmes jaillir les romanesques ruines.

Sur la terrasse, auprès de la tour en lambeaux.
Des étudians riaient avec vos bien-aimées.
Je regardais bondir les délicats coteaux
Qui frisent sous le poids des vignes renommées,
Et l’espace semblait à la fois vaste et clos.