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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




La chute du ministère Briand a-t-elle créé une situation inextricable, ou l’a-t-elle seulement révélée ? Quoiqu’il en soit, cette situation commence à apparaître avec une inquiétante netteté. La grande popularité personnelle de M. Poincaré, l’heureuse composition de son ministère, sa fermeté et son talent ont pu faire, pendant quelque temps, illusion sur l’état d’anarchie où nous sommes tombés ; mais aujourd’hui, le danger se manifeste par les symptômes les plus significatifs, et les appétits radicaux-socialistes, un moment comprimés ou réprimés, s’apprêtent à prendre leur revanche et se montrent de plus en plus exigeans. Tel est le spectacle auquel nous assistons, et il serait difficile de dire quel en sera le résultat immédiat. Quant à son résultat plus lointain et définitif, on peut plus aisément le pressentir, car, bien qu’il reste encore très fort dans les Chambres, le parti radical-socialiste est profondément usé dans le pays. Son règne approche de sa fin ; mais, en attendant, il veut jouir de son reste, et ses convulsions se traduisent par des troubles qui mettent malheureusement en péril les intérêts vitaux du pays. Dans cette lutte entre des élémens contraires, M. Briand n’a pas tardé à se montrer impuissant : il a succombé au bout de deux mois. Nous souhaitons meilleure fortune au ministère Barthou, tout en convenant que ses débuts n’ont pas été rassurans.

C’est le Sénat qui a renversé M. Briand, et nous serions surpris si l’histoire l’en approuvait : il a eu, dans le passé, des initiatives plus opportunes. Mais si l’acte politique qu’il vient d’accomplir nous afflige, n ne nous étonne pas outre mesure. Sous l’Empire, on qualifiait le Sénat de conservateur : on pourrait lui appliquer la même épithète sous la République. Il repousse, ou il est enclin à repousser toutes les