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REVUE LITTÉRAIRE

UNE PHILOSOPHIE DE LA MORT[1]


M. Maurice Maeterlinck a résolu de nous consoler, touchant la mort, et de nous tranquilliser. On dira : — Il nous le devait, après nous avoir, avec la mort, tant effrayés !

Et l’on se rappelle Maleine, étranglée par le roi Hjalmar ; Tintagiles qui, derrière une porte de fer, agonise ; Ursule, la plus belle des Sept Princesses, dormeuse qui ne s’éveille plus ; Mélisande, tuée par Golaud le jaloux ; Sélysette, qui ne réussit pas à vivre ; et toutes ces héroïnes charmantes d’un théâtre où est le protagoniste perpétuel, sans cesse actif, la Mort.

Elle a un autre nom : l’Intruse. On ne la voit pas ; on la devine ; on sent qu’elle est là, entrée malgré les barrières, malgré les serrures, malgré la clôture de défense que bâtit la tendresse autour de l’être menacé. Elle se glisse dans les chambres. Et il se fait un grand silence inattendu. Les oiseaux du parc se taisent ; les cygnes de l’étang s’enfuient. L’on entend le bruit d’une faux, qu’aiguise un jardinier, sur la pelouse. Un meuble craque ; les rideaux des lits palpitent ; Pluton, le chien noir, tremble ; les branches hautes d’un cyprès, à travers les vitres de la fenêtre, font des signes. Il y a de farouches tueries. Plus terribles que les tueries : leur prévision, la peur où l’on est, à soupçonner qu’approche cette visiteuse, l’Intruse.

Le ressort dramatique de ces poèmes, c’est l’effroi ; et non à cause

  1. La Mort, par M. Maurice Maeterlinck, 1 vol. in-16 ; Fasquelle.