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pas le principe de la loi, qui est la représentation des minorités au moyen du quotient calculé sur le nombre des votans. Pour le reste, il sera conciliant, il acceptera les transactions les plus propres à rallier la majorité républicaine la plus forte possible. On lui en saura peu de gré. C’est précisément du quotient que la Commission et la majorité du Sénat sont les adversaires résolus : il faut donc s’attendre à ce que la bataille soit très vive devant la haute assemblée. Elle ne pourra être gagnée que si le gouvernement s’engage à fond, comme il paraît d’ailleurs décidé à le faire et s’il pose la question de confiance. Le temps passe, il commence à presser. Les élections générales auront lieu dans quatorze mois : il importe de savoir sous quel régime elles seront faites. La discussion aura lieu sans doute avant Pâques. À ceux qui auraient un peu oublié les détails de la loi votée par la Chambre, nous recommandons la dernière publication qui a été faite à ce sujet : c’est un volume de discours que M. Joseph Reinach a prononcés en faveur de la représentation proportionnelle et qu’il a réunis sous le titre de : La réforme électorale. Il les a fait suivre de quelques documens indispensables et précéder d’un avant-propos qui résume clairement les principes de la loi. Ce livre contient d’excellens argumens, mais nous craignons que les argumens, quelque bons qu’ils soient, ne suffisent pas devant le Sénat. Le président de la Commission n’est autre que M. Clemenceau. Son rapporteur est un homme distingué, M. Jeanneney. M. Briand aura affaire à forte partie, d’autant plus forte que derrière les adversaires qui lutteront contre lui au grand jour de la tribune se grouperont les intérêts coalisés du vieux parti radical et radical-socialiste qui gouverne depuis quinze ans la République et qui, à tort ou à raison, a mis dans le scrutin d’arrondissement toutes ses complaisances et ses espérances. M. Combes est ici l’allié de M. Clemenceau. Battus à l’élection présidentielle, ils cherchent à prendre leur revanche sur un autre terrain. Mais si le Sénat écoute la voix du pays, comme le Congrès l’a écoutée à Versailles, malgré ses préférences intimes son vote ira à la réforme et le ministère Briand triomphera.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.