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« mystères » de la Maçonnerie ; et notamment c’est lui qui, sans doute, se sera avisé de « démarquer, » à cette fin, un vieux roman français de l’abbé Terrasson, ce Sethos, dont on sait qu’il a fourni des pages entières au livret primitif de la Flûte enchantée.

A l’imitation de tous les musicographes qui, depuis plus d’un siècle, se sont occupés du dernier opéra de Mozart, M. Dent a cru devoir insister longuement sur cette signification « maçonnique » de l’œuvre, sans paraître s’apercevoir de ce que, déjà, les emprunts faits par les librettistes au Sethos de Terrasson enlevaient de sérieux aux prétendues révélations de la pièce touchant les secrets des loges autrichiennes. Car il ne faut pas oublier que le roman, — d’ailleurs illisible, — du bon abbé français, publié dans les premières années du règne de Louis XV, était simplement issu de Télémaque, et n’avait rien de commun avec la véritable littérature « maçonnique » du XVIIIe siècle. Comment imaginer que, si Schikaneder et Giesecke avaient voulu initier le public viennois à des rites ou à des doctrines qui leur tinssent au cœur, ils n’auraient pas trouvé de meilleur moyen que d’aller prendre, dans un vieux roman français, des divagations d’une banalité sentencieuse ? Et puis je me demande toujours quel avantage ces auteurs de la Flûte enchantée auraient espéré obtenir, pour leur chère et vénérée franc-maçonnerie, d’une divulgation comme celle-là, aussi parfaitement anodine et niaise : tandis que je vois fort bien, au contraire, le profit que les deux compères pouvaient attendre pour eux-mêmes, pour le succès matériel de leur entreprise, d’un livret, dont ils feraient croire au public viennois qu’ils y dévoilaient des rites mystérieux, interdits jusque-là au regard profane.

De telle sorte que l’introduction de ce soi-disant élément « maçonnique » dans la Flûte enchantée m’apparaît uniquement une spéculation commerciale ; et il faudrait certes ignorer bien grossièrement le caractère de Mozart pour le croire capable d’avoir trempé de plein gré dans une combinaison de cette nature. En réalité, Mozart n’a jamais aperçu, dans le livret de la Flûte enchantée, qu’une série de sentimens ou de situations dramatiques de même espèce que les situations ou les sentimens qu’il avait eu à animer de vie et de beauté musicales dans les livrets italiens du fâcheux Da Ponte ; et que si sa partition contient çà et là de brèves allusions aux « sonneries » usitées dans les loges maçonniques, c’est seulement parce qu’il a pensé pouvoir ainsi nous traduire plus exactement, par des moyens qui lui étaient familiers, la solennelle grandeur des mystères d’Isis, dans la région