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esquisser sommairement les lignes essentielles de trois ou quatre des morceaux suivans ? Dans la fameuse querelle soulevée autour de l’authenticité du Requiem, voici un siècle environ, de quel poids devait être, — et a été en effet, — la révélation d’une lettre où Mozart attestait qu’il « était en train de terminer son chant funèbre ! »

Et comment aussi ne pas être frappé sur-le-champ, en lisant cette lettre, de la folle invraisemblance à la fois de sa forme et de son contenu ? On a supposé que le correspondant de Mozart était le librettiste Da Ponte, l’auteur des paroles des Noces de Figaro et de Don Juan, louche aventurier qui, en 1791, s’était enfui de Vienne et était allé se cacher dans un faubourg de Trieste. Ce serait cet individu que Mozart aurait qualifié respectueusement de « très aimé Seigneur ! » C’est à lui qu’il aurait confié son plus intime secret, — et cela à plusieurs reprises, puisque la manière dont il désigne simplement l’homme noir du Requiem en l’appelant : « cet inconnu » semblerait supposer un récit plus détaillé de l’aventure, déjà fait précédemment dans une autre lettre ! Ou plutôt n’est-il pas trop clair que les mots ; « cet inconnu » ne font allusion à aucune lettre antérieure, et ne sont là que pour dispenser le faussaire de nous raconter une aventure suffisamment connue ? Reconnaissons-le désormais sans l’ombre de doute : la belle et touchante lettre que j’ai citée tout à l’heure ne s’adressait ni à l’intrigant Da Ponte ni à personne autre ; et que si même, par miracle, l’original perdu de la lettre venait à se retrouver, et que d’éminens graphologues s’accordassent à y voir la main de Mozart, il faudrait encore en conclure seulement que quelqu’un s’est rencontré qui a su dépasser, en habileté de contrefaçon, les fabricans d’autographes employés autrefois par la veuve du maître !


D’une manière générale cependant, je le répète, l’ouvrage nouveau de M. Dent n’a rien de commun avec l’ordinaire des volumes consacrés à Mozart depuis un demi-siècle. L’écrivain anglais ne s’en est point tenu, comme ses devanciers, à entourer de quelques réflexions plus ou moins originales une série invariable d’anecdotes extraites des deux biographies classiques de Nissen et de Jahn. Au premier rang de ses nombreux mérites, ce gros volume peut, à bon droit, revendiquer celui d’être vraiment « nouveau, » — n’étant rempli, tout entier, que des vues personnelles de l’auteur touchant les divers opéras de Mozart. Peut-être même M. Dent, suivant un tour d’esprit qui est bien de sa race, tendrait-il à faire trop bon marché de toutes les opinions émises avant lui, sans vouloir tenir aucun