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M. Dent. Non seulement le portrait placé par lui en tête de son livre nous fait voir un Mozart beaucoup trop jeune pour que nous ayons le droit d’y reconnaître l’auteur, précocement vieilli, de la Flûte enchantée : nous savons en outre, de la façon la plus certaine, que ce portrait a été peint par Joseph Lange non pas en 1791, mais bien au lendemain du mariage de Mozart, en 1782, tout de même que le portrait de la femme du maître, et que celui-ci a envoyé les deux esquisses à son père, entre autres moyens inventés et employés par lui, à ce moment, pour obtenir du sévère Léopold Mozart le pardon de l’impardonnable folie qu’il venait de commettre. Nous savons cela par la veuve de Mozart, qui, en 1828, a fait lithographier les deux portraits elles a publiés dans le gros livre que son second mari, le chevalier de Nissen, avait consacré à la mémoire de son illustre prédécesseur. Et en effet M. Dent, — comme avant lui tous ceux qui ont également accepté sans contrôle l’assertion fabuleuse du catalogue du Mozarteum, — n’a pu manquer d’apercevoir, vis-à-vis de la page 464 de la Biographie de W. A. Mozart par G. N. de Nissen, la fidèle reproduction de toute la partie supérieure, — la seule partie dûment terminée, — du prétendu portrait de 1791, placée là en regard des lettres où le jeune mari de Constance Weber s’ingéniait vainement à fléchir la sage colère paternelle[1].


Mais peut-être M. Dent n’a-t-il pas attaché beaucoup d’importance à l’illustration de son livre, — qui n’a guère à nous montrer, en plus de ce portrait authentique de Mozart faussement daté, que deux autres portraits incontestablement faux ? Le texte de son livre, en tout cas, repose sur une documentation de bien meilleur aloi ; et je ne m’arrêterai pas à y signaler, çà et là, quelques menues erreurs si solidement implantées désormais dans la « littérature mozartienne, » que ce ne serait pas trop d’une vie entière pour avoir chance de réussir à les en extirper. Tout au plus m’étonnerai-je encore que la prudence et le discernement ordinaires du savant musicographe anglais ne lui aient pas interdit de tenir pour véritable, — après l’unanimité de ses devanciers depuis plus d’un siècle, — la célèbre lettre italienne où Mozart, en septembre 1791, aurait avoué à un certain correspondant anonyme l’impression produite sur lui par la commande mystérieuse d’une messe

  1. Tout récemment encore, l’auteur d’une nouvelle biographie illustrée de Mozart a publié les deux versions du portrait, l’esquisse peinte et la lithographie, en datant cette dernière de 1782 et en nous présentant la peinture originale qu’elle reproduisait comme exécutée par Joseph Lange en 1791.