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Entrer dans cette voie, ce serait diminuer sans aucune compensation la valeur militaire d’une partie importante de la cavalerie et affaiblir par conséquent l’ensemble de l’arme.

Une question analogue s’est posée autrefois pour l’artillerie, qui a été fractionnée jadis en deux parties distinctes avec spécialisation de leur personnel : l’artillerie proprement dite et le train d’artillerie. On y a renoncé avec grande raison, et aujourd’hui les officiers des sections de parc ont la même origine et la même instruction que les officiers des batteries de combat. Ils sont interchangeables, au grand profit de la valeur de l’arme.

Nous examinerons plus loin par quels procédés on s’est efforcé dans l’organisation actuelle de réagir contre les inconvéniens que nous venons de signaler et qui résultent de la situation spéciale de la cavalerie de corps. Mais c’est maintenant qu’apparaît le vice capital du projet de loi. Si la moitié des régimens de corps sont soustraits aux inconvéniens que nous venons de signaler, l’autre moitié, celle qui reste dans les corps d’armée, est destinée à en supporter tout le poids, qui va se trouver dès lors singulièrement aggravé. Là où deux régiments avaient à supporter de préjudiciables prélèvemens en hommes et en chevaux, un seul régiment aura à les supporter ; et la dislocation prévue au jour de la mobilisation, par suite de l’affectation à l’infanterie des escadrons divisionnaires, portera une atteinte plus grave encore à la cohésion du régiment, puisqu’elle ne pourra plus porter que sur un seul régiment. Personne n’ignorera dans ces régimens qu’au moment de la guerre, les escadrons seront dispersés, pour accomplir une besogne, nécessaire sans doute, mais singulièrement moins brillante que celle des camarades des divisions. Le jour où un colonel zélé voudra réunir son régiment et lui faire faire l’apprentissage du service d’exploration et du combat, chacun ne se dira-t-il pas : A quoi bon ? Au lieu de procéder à un entraînement intensif des hommes et des chevaux, on absorbera son temps et son attention à préparer sur le papier une mobilisation compliquée.

Comment ne pas craindre que de tels régimens ne deviennent rapidement le refuge des officiers fatigués, cherchant, dans un repos prématuré et à l’abri des grandes chevauchées, une sorte de retraite anticipée, où ils deviendront inaptes aux fonctions essentielles de leur arme ?