Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 13.djvu/906

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tient à des causes matérielles et à des causes psychologiques. Les causes matérielles sont multiples. Il faut signaler d’abord, dans la plupart des cas, l’isolement des régimens. Sauf dans l’Est, les régimens de cavalerie de corps constituent généralement la seule garnison d’une petite ville dont ils sont la partie la plus vivante. Cette petite ville est éloignée de toute autre garnison. Les visites des grands chefs y sont rares ; l’émulation avec d’autres troupes, et surtout avec d’autres troupes de cavalerie, ne peut prendre naissance. Le régiment ne vit pas dans l’atmosphère cavalière des garnisons de l’Est où brigades et divisions voisinent entre elles et s’enchevêtrent, où les manœuvres des grandes unités sont fréquentes. Ajoutez à cela que le corps d’armée doit constamment faire appel à la brigade de cavalerie pour remonter un nombreux personnel, qui sans doute à la mobilisation recevra des montures de réquisition, mais qui, en temps de paix, vient périodiquement sinon écrémer, du moins décimer les escadrons de la cavalerie de corps au grand désespoir des capitaines-commandans. Au moment des manœuvres d’automne, les régimens de corps doivent encore fournir des escortes. Jusqu’au moment du départ de la garnison et même après, les situations de prise d’armes sont à chaque instant, modifiées par des prélèvemens devant lesquels les colonels n’ont qu’à s’incliner. Sous-officiers, officiers de peloton, capitaines-commandans savent d’avance que, quel que soit le soin avec lequel ils ont préparé et entraîné leurs chevaux et leurs hommes, une bonne partie leur sera enlevée le jour où ils auraient trouvé une récompense méritée de leurs peines à mener à la manœuvre, sinon au combat, des unités bien complètes et bien constituées qui leur eussent fait honneur.

Ce sentiment pénible et décourageant est à plus forte raison celui du colonel. Il sait, lui aussi, que non seulement des hommes et des chevaux lui seront enlevés, mais qu’il en sera de même d’un ou de deux de ses escadrons, qu’il faudra fournir comme cavalerie divisionnaire aux divisions d’infanterie du corps d’armée et qu’au jour de la mobilisation, il n’aura plus derrière lui qu’un régiment minuscule à deux ou trois escadrons. L’instruction du régiment s’en ressent d’autant plus que, son rôle de cavalerie divisionnaire lui étant incessamment rappelé, une grande partie de l’instruction est dirigée en vue de ce rôle spécial. A la tribune de la Chambre, le général Pédoya