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tendances, etc. Ce qui semble s’accomplir dans des facultés différentes est, au fond, la même activité motrice tendant à persévérer et à croître. Nos états de conscience ne sont pas comme des empreintes immobiles, des reproductions photographiques : cette façon de se représenter la vie de l’esprit est une métaphore matérialiste, qui ne répond à rien. C’est notre être tout entier qui réagit en prenant à ses propres yeux la forme d’idée, de sentiment, de désir. Lorsqu’un aimant est en présence de fer, c’est tout l’aimant qui attire, non une partie. Mais si l’aimant agit tout entier dans le même sens, il n’en est pas de même de l’esprit, qui a des dispositions diverses. Il y a des dispositions internes diverses, et des réactions conscientes provoquées par le dehors : ce système de causes agissant en sens divers aboutit cependant à un résultat, et ce résultat est nouveau. L’originalité, la création de la volonté de conscience, ce sera cet acte qui résumera la personne, et qui d’ailleurs ne sera pas indépendant de ce qui aura précédé.

A maintes reprises, Alfred Fouillée a décrit, non pas toujours identiquement d’ailleurs, cette vie de l’esprit, ce mouvement de la conscience qui aboutit à l’acte libre ou réputé tel. Voici quelques passages qui donnent, en même temps que les explications nécessaires, une idée de la manière de l’auteur, de son abondance, de son goût des images :


De ce que tout être doué de vouloir veut être aussi conscient que possible, on ne peut pas ne pas conclure, comme nous l’avons fait tout à l’heure, que l’être veut le maximum de la pensée, du sentiment et de l’action, qui est le maximum de la conscience et, indivisiblement, de la félicité, de la liberté. Or il s’ensuit une conséquence inévitable : c’est qu’aucune fonction de la conscience ne se suffit à elle seule : le sentiment appelle comme complément la pensée distincte et l’action ; la pensée appelle le sentiment et l’action ; l’action appelle le sentiment et la pensée. Cette mutuelle implication, nécessaire à l’achèvement de la conscience et du bonheur, entraine la loi des idées-forces, où représentations, émotions et appétitions sont posées comme inséparables. En d’autres termes, nous tendons à la plénitude de nos idées, qui les change en sentimens et actes ; nous tendons à la plénitude de nos sentimens, qui les change en idées et actes ; nous tendons à la plénitude de nos actes, qui les change en sentimens et idées. Tout s’appelle, pour une psychologie qui s’attache à ne pas briser l’unité de la vie psychique.

Tout autre que pour Descartes est pour nous le cogito. « Je pense, » selon Descartes, signifie : je constate par ma pensée une existence toute faite qui lui est donnée ou qui lui est sous-jacente. Ce qui est, voilà l’objet pour le sujet. Selon nous, au contraire, la pensée n’est pas le miroir passif de