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réservait. On expédia donc Mercure, et Mercure revint avec la réponse que voici. Vulcain et Prométhée acceptaient le pacte, mais à une condition : les Dieux méditerranéens s’engageraient à n’imposer jamais, sous aucun motif, raison ou prétexte, le moindre frein, la moindre restriction, la moindre limite à la rapidité et à l’effort des Titans de fer ; sinon, ceux-ci se révolteraient contre tous, même contre Vulcain et contre Prométhée. « Qu’ils courent donc jusqu’à en crever ! » répondit Jupiter, rageur ; et déjà les Dieux allaient approuver le traité, lorsque Apollon se leva brusquement, et, grand, agile, beau, couronné de lumière : « Jamais, jamais ! s’écria-t-il. Si la vieillesse, ô Jupiter, rend pesant pour tes mains ce sceptre du monde que tu as tenu durant tant de siècles avec vigueur ; si la mollesse et la lâcheté qui résultent toujours de longues dominations vous disposent, vous, mes collègues de l’Olympe, à accepter comme une sage transaction un louche compromis ; non, jamais, moi, qui suis la lumière et la chaleur du monde, la vie initiale de tout germe, la première impulsion de tout mouvement, l’élan primordial de toute force, le phare universel de la Vérité, de la Beauté et de la Vertu ; moi, qui illumine, réchauffe, renouvelle, vivifie et dirige le monde dans ses voies, non, jamais je ne m’accommoderai de recevoir en égaux, ici, dans cet Olympe, deux imposteurs qui là-bas trompent la pauvre espèce humaine en s’affublant dans les carrefours d’un travestissement d’Apollon ; qui, suspendant chaque soir, le long des rues, dans les villes, de ridicules soleils de poche, ont induit les hommes à enfreindre cette sainte loi du jour et de la nuit que j’ai donnée aux hommes comme un principe de sagesse et de santé ; qui, allumant çà et là de petits feux et inventant de petits jouets de fer, veulent faire croire aux hommes qu’ils ont le pouvoir de réaliser ce dont je serais moi-même incapable. Cela serait une honte, et non seulement une honte, mais encore une sottise : car, le jour où aucune limite, aucun frein, aucune mesure ne serait plus imposée à la rapidité et à la puissance des Titans de fer, nous, les Dieux du vieil Olympe méditerranéen, nous qui représentons depuis tant de siècles la Beauté et la Bonté, nous serions tous précipités à bas de nos trônes d’or, et le seul Dieu qui régnerait sur les deux mondes, adoré par les hommes, ce serait, comme aux premiers temps de l’histoire, le Feu. »

Cela dit, Rosetti se tut. Mais, si nous avions tous écouté