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L’Empire africain français est un empire militaire : il faut que la France le comprenne et que les puissances rivales le sachent. Non, le nouveau domaine colonial que la France a su se constituer ne lui sera pas arraché. Il dépend de la France elle-même d’y développer, en pleine paix et en toute confiance, les semences de civilisation qui doivent fructifier et se multiplier indéfiniment sur ces terres prédestinées.

Que l’opinion, seulement, ne s’endorme pas et qu’elle sache, d’elle-même, tenir en éveil son gouvernement et ses chefs ! Ceux-ci ont, trop souvent, les yeux et la pensée ailleurs : l’intérieur les absorbe. Quand, une fois, les grands efforts seront accomplis, le seul danger vraiment à craindre serait que nous retombions dans cette négligence, cette demi-somnolence où nous sommes enclins, dès que les ardeurs initiales ne nous excitent plus.

Que les Français s’avertissent sans cesse, les uns les autres, du haut intérêt que présente le salut de leur domaine colonial ; qu’ils s’y rendent ; qu’ils y envoient leurs fils ; qu’ils y emploient leurs capitaux ; surtout qu’ils exercent un contrôle vigilant sur les administrations toujours prêtes à s’enlizer dans la routine, la procrastination et le népotisme.

Si le gouvernement de la France était ce qu’il doit être, il deviendrait, au premier chef, colonial, parce que le haut avenir de la race est là. Nous ne verrions pas se prolonger l’état de choses actuel qui charge un simple chef de bureau au ministère de l’Intérieur de toute notre responsabilité islamique et qui disperse, entre trois ou quatre ministères, la haute direction de notre Empire africain...

En un mot, sous un régime d’opinion, tout dépend du pays lui-même : qu’il commande et on lui obéira ; qu’il s’instruise, qu’il réfléchisse, il exigera et on exécutera. C’est pourquoi l’opinion ne doit pas rester dans l’ignorance des enseignemens de notre histoire. Les fautes commises peuvent avoir, du moins, cette utilité de prévenir les fautes nouvelles. Remercions ces écrivains qui, en mettant sous nos yeux, dans son amère et forte réalité, « la leçon du Canada, » ont projeté la lumière à la fois sur le passé et sur l’avenir.


GABRIEL HANOTAUX.