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En même temps, ses biens avaient été mis sous séquestre. La Convention avait voulu lui faire expier, par cette mesure arbitraire, le crime d’avoir publié, au moment où commençait le procès de Louis XVI, un plaidoyer d’une éloquence émue en faveur de l’infortuné monarque qu’il avait fidèlement servi, bien qu’il eût été deux fois abandonné par lui. La situation de M. Necker était périlleuse, tout émigré fait prisonnier pouvant être traité suivant la rigueur des lois révolutionnaires. Mme de Staël, qui était auprès de lui, le pressait de quitter Coppet et de se réfugier dans une autre partie de la Suisse. M. Necker s’y refusa. « À mon âge, dit-il, il ne faut pas errer sur la terre. » Bien lui en prit de rester à Coppet, car l’officier chargé d’occuper Coppet et qui devait être un jour le maréchal Suchet, avait reçu pour instruction du Directoire de le traiter avec les plus grands égards. Mais M. Necker employa les quelques jours qui précédèrent l’invasion des Français à brûler tous les papiers qui pouvaient compromettre quelqu’un. Dans ces papiers il crut devoir comprendre toutes les lettres de sa fille, probablement parce que celle-ci s’exprimait avec peu de mesure sur les hommes et les choses du temps. Quant aux lettres des années suivantes, le plus grand nombre en a été détruit également, je ne saurais dire dans quelles circonstances, ni par qui. Les archives de famille, sur lesquelles il a été veillé avec le soin le plus religieux, présentent ainsi parfois des lacunes difficiles à expliquer. Sauf quelques lettres éparses, celles qui ont été conservées ne datent que de l’automne 1803, c’est-à-dire de l’époque où Mme de Staël quitta Coppet pour se rendre à Paris où elle espérait obtenir l’autorisation de séjourner. Déçue dans cet espoir, elle partit pour l’Allemagne d’où elle revint au mois d’avril 1804, rappelée par la mort de son père. Durant cette période de six mois environ, la correspondance se poursuivit régulièrement entre le père et la fille, et aucune des lettres de Mme de Staël ne paraît avoir été détruite.

Les lettres de M. Necker à Mme de Staël ont subi beaucoup moins de dommages. Cependant toutes celles antérieures à l’année 1797 ont été détruites, peut-être également par M. Necker lui-même. Mais, à partir du mois de janvier de cette année, jusqu’au mois d’avril 1804, elles ont été conservées. Ces lettres sont curieuses à plus d’un titre, mais elles contiennent aussi beaucoup de détails sans intérêt, et leur publication intégrale