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REVUE SCIENTIFIQUE

LES APPLICATIONS DU FROID


I. — LA VIE AUX BASSES TEMPERATURES

Le temps n’a pas encore perdu « son manteau de vent, de froidure et de pluie. » Aussi les conversations sont en ce moment pleines des doléances que, chaque année, amène le froid. Pour toute l’humanité et pendant des siècles, il a été considéré comme un ennemi contre lequel il était nécessaire de se défendre, et qui ne pouvait être que nuisible à la vie, dans toutes ses manifestations, et à la société. C’étaient là de déplorables erreurs. Le froid est un grand calomnié, et nous allons voir comment, en l’employant avec intelligence, les hommes ont appris depuis quelques années à en faire le plus utile, le plus agissant des collaborateurs.

Et tout d’abord, il est d’usage de vanter à tout propos, en regard des méfaits du froid, les bienfaits vivifians de la chaleur et de louer dans l’ardeur solaire la source et la gardienne de toute vie terrestre. Rien n’est plus injuste. C’est le froid qui conserve la vie, et non la chaleur. Si le soleil nous arrache tant d’hymnes reconnaissans, c’est que nous en sommes par bonheur assez loin ; si nous gravitions non pas à 150 millions, mais à quelque dix millions de kilomètres de lui, on ne pourrait verser ici-bas nulle larme de tendresse sur les bienfaits de l’astre du jour, car les larmes à la fois et les pleureurs seraient réduits en vapeurs. Il n’est pas en effet d’êtres vivans qui résistent à quelques cent degrés au-dessus de zéro, c’est-à-dire à une chaleur en somme assez faible, puisque nous avons trouvé des étoiles dont la température avoisine 40 000 degrés.