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REVUE LITTÉRAIRE

UN MORALISTE[1]

M. Alfred Capus écrit volontiers que « tout s’arrange. » On en conclut (car on adore de conclure, et sans tarder) qu’il est un optimiste. Mais il vient de publier Les mœurs du temps ; et, les mœurs de notre temps, il les juge avec beaucoup de sévérité : ce livre n’est pas d’un philosophe tranquille et qui trouve que tout soit pour le mieux dans le meilleur des mondes. Cela nous avertit de songer qu’aussi bien M. Alfred Capus n’a pas dit : — Tout s’arrange à merveille, ou d’une façon charmante.

Que tout s’arrange, c’est un fait. Il y a, dans la nature, une souveraine puissance de cicatrisation. Et il y a, dans les choses humaines, une obscure volonté de repos qui, en fin de compte, apaise leur tumulte, organise leur nouvel équilibre. Le dénouement des péripéties les plus embrouillées résulte parfois d’une aubaine ; ou, très souvent, de quelque lassitude, qui a pris les acteurs et qui amène leur abnégation ; ou de l’oubli, qui est le frère de la mort ; et il résulte aussi de la mort. Ces mots, de l’aubaine à la mort, sont inégalement gais. Et tout s’arrange, certes ; mais, en général, assez mal.

Ainsi, la formule célèbre de M. Alfred Capus, un pessimiste l’adopterait, aussi logiquement qu’un optimiste.

Est-il un pessimiste ? Du moins, il sait « ce qu’il faut d’amertume à la gaieté pour qu’elle ait un sens et à la tendresse pour qu’elle soit profonde. »

  1. Les Mœurs du Temps, par M. Alfred Capus ; vol. in-16. Bernard Grasset.