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d’association du souci de progrès, de travail individuel qui marque l’ouvrier, le bourgeois, l’industriel belges. C’est, d’ailleurs, ce qui donne tout son effet à la valeur de l’association. C’est aussi ce qui en limite l’extension.

Car particulariste et « associationniste, » le Belge demeure réfractaire aux initiatives lointaines et purement idéales. Il demeure comme enfermé dans son réalisme immédiat et se défie de ce qu’il ne peut pas voir et surveiller ou de ce qui engage un avenir incertain ou trop éloigné. L’idée qu’il se fait de sa responsabilité de citoyen et d’homme d’action est liée à l’idée qu’il a de sa responsabilité familiale et régionale. Il sait les ressources de sa terre et excelle à les employer ; il se préoccupe d’élever et de caser ses enfans et s’efforce de créer à cet effet les plus ingénieux organismes. Quand ses capitaux débordent de leurs sphères naturelles : la terre ou l’usine, il consent à les diriger vers d’autres pays et s’intéresse, par personne interposée, à l’industrie, à l’agriculture du Brésil, de l’Argentine ou de la Russie. Il ne voit encore qu’insuffisamment l’avantage de suivre ses capitaux, d’attacher à son commerce la marque du pavillon national. Habitué à ouvrir ses frontières à tout ce qui peut l’enrichir, il ne songe guère au jour où il lui faudrait les défendre. Il n’est ni militariste, ni « expansionniste. » L’armée, la marine nationale, la colonisation, il les traite un peu comme il a longtemps traité les idées et les arts, comme du luxe et comme de la chimère.

Néanmoins, le tout encore une fois, dans ces domaines, est de rapprocher de leur principe vital ces formes d’une activité où la Belgique commence aujourd’hui, malgré tout, à entrer. L’armée, défense du foyer, la marine, prolongement de la terre, la colonie, annexe de la vitalité individuelle et collective, voilà des argumens qui ont leur répercussion dans la conscience nationale. Encore une fois aussi, ces argumens ne doivent pas être exprimés d’une façon identique pour tout le pays et il faut tenir compte toujours de la double sensibilité. Reconnaissons que cela a été admirablement compris par une dynastie, d’origine étrangère, mais que son génie et sa grandeur morale ont rendue vraiment belge de cœur et d’âme.

Léopold Ier, dit le Sage, aida la Belgique à faire l’apprentissage d’une vie indépendante et respectée au dehors ; Léopold II, dit le Bâtisseur, la rendit véritablement solidaire