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âge voyait se révéler tout ce que nous retrouvons aujourd’hui encore dans le caractère du peuple belge de Flandre et de Wallonie : à côté d’une tendance individualiste, tantôt esprit de clocher, tantôt orgueil citadin, un esprit d’association très prononcé et guidé par un but précis à atteindre, économique ou social. Ces tendances se rencontrent souvent à la fois, se contrecarrant ou se secondant, pour donner à l’esprit social belge une physionomie particulière que vient, encore et toujours, dominer le sens de la réalité, un positivisme ennemi de la chimère.

Luttes de métiers, luttes de classes, nécessités industrielles et économiques, obligation de tenir compte de l’ennemi étranger, ont amené sans doute de terribles et sanglans conflits. Mais il est curieux d’observer que tout a fini par aboutir à une législation faite de concessions réciproques. Chartes concédées, droits arrachés, institutions mixtes ouvertes aux concours de prépondérances, le droit belge, dès ses origines, semble, comme l’observe un de nos meilleurs jurisconsultes, M. Edmond Picard, revêtir ce caractère de moyenne mesure devenu une des marques de l’esprit national et auquel il faut attribuer l’absence de réglementation outrancière et de hiérarchie protocolaire de la Belgique d’aujourd’hui.

Après la période bourguignonne et pendant le long sommeil commercial qui marqua et suivit le XVIe siècle, toutes les réactions dans nos provinces furent le résultat d’un excès dans un sens ou dans un autre. Après les guerres de religion, après la séparation définitive des Pays-Bas catholiques d’avec les Pays-Bas protestans, nos provinces continuèrent de s’accommoder de princes étrangers, tant que ceux-ci, distraits de leurs possessions belges par l’étendue de leur royaume ou de leur empire, laissèrent nos provinces vivre conformément au tempérament de leur activité commune. Payant un impôt restreint, possédant des institutions communales et provinciales empreintes de leur esprit particulariste, « associationniste » et modéré, tirant de leur sol et des restes de leur industrie déchue, un profit matériel suffisant, les Belges cultivèrent, sans bruit, sous ce qu’on appelle la domination espagnole et autrichienne, leurs qualités ethniques. La poussée révolutionnaire provoquée par Joseph II fut inspirée exclusivement par la tradition que l’Empereur bureaucrate s’entêtait à vouloir trop réglementer ou restreindre.

Sans vouloir froisser personne, on peut dire que les courtes