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on fait bien de se souvenir aujourd’hui, au plus fort des revendications linguistiques. Les terres de la rive gauche de l’Escaut, terres flamandes, se virent rattachées politiquement à la France, tandis que celles de la rive droite finirent par être incorporées à l’Allemagne. Sous cette appropriation singulière, le vœu des provinces belges continua de tendre également vers une expression d’autonomie conforme à leur rôle d’intermédiaire. Quand alors, favorisés par les circonstances internationales, l’affaiblissement de la France par la guerre de Cent ans et l’impuissance de l’Allemagne sous la maison de Luxembourg, les ducs de Bourgogne parvinrent à réunir sous leur sceptre les provinces féodales de la rive droite et de la rive gauche de l’Escaut, ce ne fut pas seulement une œuvre de hasard ni de conquête. L’édifice des Pays-Bas bourguignons eut pour ciment, avec une civilisation commune bien que double d’afflux, la solidarité économique.

Or celle-ci, que nous savons déjà par destination utilitaire, friande de paix et d’indépendance relative, aurait pu être contrecarrée par les divergences d’idiomes. Il n’en fut rien par la juxtaposition constante des populations flamandes et wallonnes confondues sous les mêmes autorités féodales, sous les mêmes directions religieuses. Diocèses et comtés groupèrent des gens s’exprimant différemment ; le droit, la coutume s’unifièrent pour les deux langues sans difficultés. Déjà toute l’énergie revendicatrice du peuple se cristallisait en des luttes sociales strictement économiques.

Car les Pays-Bas, baignés par la mer, arrosés par trois fleuves profonds, devaient retirer du réveil commercial et industriel de l’Europe au XIe siècle une prospérité inouïe et dès lors subir la rançon des convoitises populaires et du capitalisme international.

Dans les villes, la bourgeoisie, par sa richesse et par son ambition, devient très tôt une puissance politique ; elle joint dès lors au sens utilitaire et indépendant un esprit particulariste à outrance. Nos communes, gouvernées par ce patriciat orgueilleux, s’enrichirent de monumens magnifiques, mais l’âpreté de la lutte sociale, fatale entre ce gouvernement oligarchique et le prolétariat organisé en métier, se traduisit, d’autre part, par un esprit d’association, de solidarité populaire, encouragé souvent par le prince expert à en profiter. Ainsi le Moyen