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cette interprétation historique de nos origines, « quand, las de se combattre, les fils de l’Empereur se partagèrent en 843, à Verdun, l’héritage de leur père, Charles le Chauve reçut les régions qui devaient plus tard former la France, Louis le Germanique celles qui portèrent dans la suite le nom d’Allemagne. Quant à Lothaire, il obtint, entre les deux royaumes compacts assignés à ses frères, une immense bande de territoire, sans unité de race ni unité géographique, et qui s’étendait, coupant à rebours les chaînes de montagnes et les lignes de faite des bassins fluviaux, englobant des hommes de toute langue et de toute origine, de la mer du Nord au centre de l’Italie. C’est cet empire disparate, que représentent encore aujourd’hui sur la carte, fragmens d’un tout en partie disparu, les petits Etats mitoyens parmi lesquels figure la Belgique. »

L’origine lotharingienne de nos provinces a eu pour elles des conséquences politiques où il serait excessif de trouver les prémisses de leur situation internationale actuelle ; elle a eu pour elles, en outre, des conséquences économiques et commerciales, dont il faut relever, dès ce moment, la signification, car leur commune activité en est sortie. « Le partage de Verdun, » poursuit M. Pirenne, « en nous plaçant aux frontières des deux grands peuples qui ont le plus contribué à faire la civilisation moderne, nous a, il est vrai, destinés à leur servir de tampon, à recevoir leurs coups pendant la guerre, à devenir leur champ de bataille, mais, en même temps, il nous a donné pour tâche d’être leur intermédiaire et, pour ainsi dire, leur trait d’union dans les œuvres de la paix. »

L’activité des Flamands et des Wallons eut donc, dès ce moment, un mobile, un terrain, identiques. Son caractère commercial et, si l’on veut déjà, industriel, créait chez eux un sens commun utilitaire et pratique.

D’autre part, la nécessité pour exercer cette activité d’une tranquillité et d’une indépendance relative a pu fortifier en eux ce sentiment de la liberté collective et de l’autonomie locale qui traverse toutes les luttes des communes flamandes et wallonnes contre les empiétemens d’un pouvoir central étranger. Car l’œuvre de Verdun, si elle a continué à travers toute l’histoire à marquer la mission européenne de nos provinces, n’a pas survécu longtemps comme régime politique. Elle se désagrégea. Cette désagrégation eut une conséquence curieuse et bizarre, et dont