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sens très large et très élevé, c’était vraiment la paix, parce que Léon XIII avait pacifié la conscience de chaque curé prussien, de chaque catholique prussien ; parce que, de concert avec Bismarck, il avait, pour chacune de ces âmes, fait disparaître les causes de déchirement, de discorde intérieure, d’où résultait, dans le royaume, l’universelle discorde.

Qu’elles se pacifiassent, qu’elles eussent confiance, c’était ce que Mgr Kopp, transporté du siège épiscopal de Fulda sur celui de Breslau, demandait, en octobre, dans son premier mandement, aux âmes sacerdotales qui lui étaient désormais soumises. Et l’évêque invitait ses prêtres à honorer loyalement les droits du pouvoir civil, pour « montrer que l’Eglise se glorifie à juste titre d’être le plus solide appui de l’Etat. » Les hauts fonctionnaires protestans de la Silésie assistaient à sa messe solennelle d’intronisation ; le nouveau prince-évêque, au banquet, buvait au Pape et à l’Empereur ; il avait été l’ouvrier de la paix, et les fêtes dont il était l’objet apparaissaient comme un symbole de paix.


IX

Le 9 mars 1888, Guillaume Ier mourait, avec la joie de régner sur une Prusse où les consciences étaient apaisées et rassurées. Galimberti reparut sur son champ de bataille : ce fut lui que le Pape chargea de représenter le Saint-Siège aux obsèques de l’Empereur.

Il devait, conformément aux instructions du cardinal Rampolla, insister sur le chagrin qu’avait eu Léon XIII en apprenant la visite de Crispi à Friedrichsruhe, en voyant les commentaires donnés à cette visite, en constatant la place que l’Italie tenait dans la Triple-Alliance. Il devait faire entendre que le rapprochement trop intime entre l’Allemagne et l’Italie avait véritablement ébranlé la confiance du Pape, et que cette confiance ne pouvait renaitre que si le Pape avait quelque parole de Bismarck, bien nette, bien explicite, au sujet de l’attitude qu’aurait l’Allemagne le jour où la question romaine se poserait. Bismarck écouta, et puis, sans contredire, il répéta, comme l’année d’avant : « Il faut savoir attendre. » Il expliqua que la restitution de Rome au Saint-Siège entraînerait une révolution italienne ; que la République italienne s’allierait à la française,