Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 13.djvu/656

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


VIII

Cependant, que les résultats obtenus en Prusse pussent vraiment être qualifiés de paix, c’est ce que beaucoup de catholiques militans mirent quelque temps à consentir. A l’assemblée générale des catholiques réunie à Trêves, Auguste Reichensperger, sentant Windthorst intimement mécontent, essayait de le raisonner. « Nous ne sommes pas faits, nous cléricaux, lui disait-il, pour cueillir toujours des lauriers ; nous sommes là pour servir... pour servir le Pape, à qui sa situation dans le monde ne permet pas de nous faire plaisir en tout, à nous Prussiens. » Mais assurément la majorité des congressistes inclinaient plutôt vers l’état d’esprit de Windthorst que vers celui d’Auguste Reichensperger. Ballestrem, qui les présidait, se refusait à prononcer le mot de « paix religieuse. » « J’aime mieux parler, disait-il, d’un traité préliminaire avec suspension d’armes et ligne de démarcation. » Les congressistes regardaient cette gigantesque architecture de lois, qui s’étaient, de 1872 à 1876, édifiées contre l’Eglise ; elle offrait désormais l’image d’une ruine ; mais d’une ruine dont certaines colonnes restaient debout, les unes ébranlées déjà, les autres solides encore et solides pour longtemps ; ils eussent voulu des décombres qu’on balaie ; ils trouvaient des tronçons d’architecture, encore respectés, et tant bien que mal arc-boutés.

Il y avait trois lois, une loi d’Empire et deux lois prussiennes, dont la survivance était très douloureuse pour les catholiques. La loi d’Empire visait les Jésuites et les congrégations affiliées ; elle demeurait debout, dans toute sa rigueur ; elle perpétuait un ostracisme qui privait l’Eglise de plusieurs de ses moyens d’action et qui éloignait de la patrie allemande plusieurs milliers d’Allemands. La loi prussienne sur la surveillance de l’école, appliquée par des ministres comme Puttkamer et Gossler, laissait aux ministres des Eglises une très grande influence sur la vie scolaire ; mais ils exerçaient cette influence, non pas, à proprement parler, comme pasteurs ou comme prêtres, mais comme représentans de l’Etat dans l’école ; et cette nuance, extrêmement accentuée, jalousement maintenue par l’État, signifiait que les ministres des Églises, redevenus des puissances dans l’école, n’y étaient rien de plus, cependant, que