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VI

Les deux thèses s’opposaient, sous le regard de Léon XIII. Aucune décision moyenne ne pouvait être prise. Pratiquement, au point où en étaient les choses, le Pape devait opter entre deux partis : ou bien, déférant aux craintes des évêques, il signifierait à Bismarck que la loi était insuffisante et défendrait au Centre de la voter ; ou bien, confiant dans l’avenir, il dirait au Centre : « Taisez-vous, et votez-la. » Léon XIII prit le second parti.

Une lettre, sèche et brève, que Galimberti, le 4 avril, adressait de Rome à un évêque allemand, signifiait que, d’après les ordres du Pape, les députés catholiques devaient accepter la loi, et éviter les amendemens qui en compromettraient le succès. Windthorst, au matin de Pâques, reçut copie de cette lettre : « J’aurais mieux compris, écrivait-il, qu’elle me fût parvenue le Vendredi-Saint ; » et il continuait : « Priez pour moi, que votre évêque prie pour moi. » Il sentait péricliter, parmi tant de surprises, la cohésion du Centre : « Si cela devait finir ainsi, gémissait-il dans une lettre à Schorlemer, ce n’aurait pas été la peine de lutter si longtemps. Il me semble que l’ombre de Mallinckrodt me poursuit pas à pas. » « Y a-t-il encore quelque chose à faire à Rome ? demandait-il ; je ne le sais. Moi, j’y suis discrédité. Les adversaires se font, de mes luttes mêmes, une arme contre moi ; et voici que je dois consentir à ce triste dénouement. Ah ! je pourrais déposer mon mandat. » Le 12 avril ; ii voyait Mgr Kopp, et le prélat lui lisait une lettre que le Pape venait d’adresser à l’archevêque de Cologne. Cette lettre, datée du 7, n’avait été écrite par le Pape qu’après entente avec la commission cardinalice spéciale qu’il avait chargée d’étudier les affaires allemandes ; pour la besogne de rédaction, la plume de Galimberti, très allègre, s’était longuement dépensée.

On n’a pas obtenu, confessait Léon XIII, tout ce que les catholiques désirent avec raison conquérir ; mais il déclarait que ses espérances, cependant, étaient plutôt accrues qu’amoindries. Il notait les progrès accomplis ou offerts : restauration, dans l’Église prussienne, de la libre autorité du Pape de Rome, rétablissement de la hiérarchie ecclésiastique et d’un ministère paroissial régulier ; réouverture des séminaires ; rappel de