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V

Il fallut repartir, s’arracher à ces pompes, et parachever, à Rome, l’œuvre commencée à Berlin. La commune allégresse de la Cour et de Galimberti couvrait d’une sorte de paravent l’immense mécontentement d’une grande partie de la presse. Le vote de la Chambre des Seigneurs soulevait toute sorte d’alarmes. Du côté national-libéral, on entendait la Gazette de Cologne gémir interminablement parce que « dans le plus haut corps législatif de l’Etat, qui jusque-là passait pour l’asile de la Réforme, on avait laissé sans riposte certaines affirmations, d’après lesquelles le salut de la Prusse dépendrait à l’avenir de la bonne volonté du pape de Rome. » Mais, inversement, les feuilles du Centre, tout offusquées des cordiaux sourires qui s’étaient échangés entre les « catholiques d’Etat » et le représentant de Léon XIII, inclinaient à se sentir bafouées comme par une ironie : « Ce sont les catholiques d’Etat, criait la Gazette populaire de Silésie, qui annoncent à Rome la défaite des catholiques allemands. Les évêques, le clergé, le peuple, ont-ils supporté seize ans de confiscations, de prison, de bannissement, de disette de prêtres, pour que maintenant les persécuteurs se moquent d’eux ? » Un autre organe du parti traitait le Pape de « vaniteux vieillard, à l’esprit obnubilé, et qui se laissait, avec une joie enfantine, fourvoyer dans la maladresse. »

Windthorst était très attristé, très perplexe. Il regardait au loin, vers le Pape. Il entrevoyait que Galimberti, rentré au Vatican, informait Léon XIII. Et puis l’on apprenait que le ministre Puttkamer, que le prince Hatzfeld, que la princesse Frédéric-Charles descendaient jusqu’à Rome ; et Windthorst augurait que la voix de ces visiteurs illustres allait faire écho à celle de Galimberti, et peut-être noircir le Centre ; il souhaitait qu’un ou deux évêques fissent diligence pour passer les Alpes et pour aller, là-bas, sonner une autre cloche. Il écrivait longuement au cardinal Melchers, répétant avec mélancolie que la Prusse, quelques belles promesses qu’elle put faire, n’aiderait pas la cause du pouvoir temporel ; que Bismarck voulait, d’une part, tenir l’Église à sa merci en disposant d’un veto contre la nomination des curés, et d’autre part « faire sauter le Centre. » Rome recueillait ces inquiétans échos, qui attestaient la