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un dîner se donnait en l’honneur de Galimberti chez le duc de Ratibor, frère du prince Clovis de Hohenlohe. Il y avait là le prince Clovis lui-même, le comte Frankenberg. Signe des temps : les anciens « catholiques d’Etat, » les hommes qui, quatorze ans plus tôt, avaient essayé de soulever contre Pie IX un mouvement de fronde, invitaient et fêtaient le représentant de Léon XIII. Mgr Kopp, aussi, vint dîner. « Télégraphions au Pape, » proposa le prélat. Les nobles convives traduisirent en français les articles votés ; et l’on rédigea la dépêche. « Le Saint-Père dormira bien, » pronostiqua Galimberti.

Les « catholiques d’État, » qui jadis avaient rompu des lances pour les lois de Mai, faisaient ainsi, de leurs propres mains, le télégramme annonçant qu’elles chancelaient ; et ils en étaient heureux. Télégraphiquement Mocenni répondait :


Le Saint-Père est satisfait. Trouvez le moyen de parer à deux périls dans la discussion de la Chambre des députés : péril qui proviendrait du Centre s’il proposait des amendemens exagérés, que le gouvernement refuserait ; péril qui proviendrait de l’opposition des nationaux-libéraux contre la loi. Avant de quitter Berlin, laissez à qui de droit les recommandations efficaces. Soyez mardi à Rome, si possible.


IV

Galimberti triomphait. Il avait son couvert mis à la Cour ; il buvait de la bière chez Bismarck, à la santé du Pape et de l’Empereur ; rentrant chez lui, il trouvait une telle élite de visiteurs qu’il pouvait noter sur son conquérant petit carnet : « Ma chambre ressemblait à la Chambre des Seigneurs. » Trois ans plus tôt, il était journaliste, esclave de l’heure qui passait ; aujourd’hui, il était choyé, courtisé, entouré de gloire, comme s’il portait dans les plis de son riche manteau violet, — où déjà son œil impatient croyait voir des reflets rouges, — le secret des heures prochaines. En prévision des risques nouveaux qu’allait courir le projet de loi devant la Chambre des députés, il fit savoir aux membres du Centre, d’abord chez lui, au cours d’une réunion, puis à une soirée chez la princesse Radziwill, que la collation des cures ne les regardait pas, qu’elle regardait le Pape, et qu’ils n’avaient plus à entretenir les Chambres de cette question-là ; et puis, il s’en fut chez Bismarck, pour le tâter, — c’était la dernière partie de son programme, — sur l’histoire