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l’enfant naturel ne saurait rien réclamer sur la succession de ses père et mère, quand ceux-ci lui ont donné, de leur vivant, la moitié de ce qui lui est attribué à leur mort par le Code civil. Avec cette restriction, les droits pécuniaires résultant de la reconnaissance constituent un émolument qui peut être des plus importans et comprendre la succession tout entière.

Pour ce qui est des droits relatifs à la personne, le Code civil avait été moins précis ; en réalité, il ne disait presque rien de la tutelle, ni de la puissance paternelle. Et ce silence ne laissait pas que d’embarrasser les tribunaux. Une loi du 2 juillet 1907 a réparé cette sorte d’oubli : elle attribue expressément la puissance paternelle aux père et mère naturels sur leurs enfans reconnus ; elle leur donne donc droit de garde, d’éducation, de correction, de consentement au mariage ; elle décide seulement qu’ils auront, non l’administration légale des parens légitimes, mais la tutelle ; elle ajoute que la puissance revient à celui des père et mère qui aura reconnu l’enfant le premier et qu’à son décès, elle passe au survivant.

Tels sont les droits que la reconnaissance volontaire confère à l’enfant naturel et à ses parens : les mêmes droits résulteront de la reconnaissance judiciaire, et voilà qui, tout de suite, semble un peu déconcertant. Entre un homme qui a manifesté par la reconnaissance volontaire des sentimens paternels et l’enfant qu’il a revendiqué, qu’il entend traiter comme sien, on comprend et on approuve l’étendue et la multiplicité des droits et des devoirs, par analogie avec la famille légitime et avec les affections réciproques dont elle vit. Mais la reconnaissance judiciaire est dite aussi et très justement « forcée. » Elle est prononcée par jugement, après un débat qui n’a pu être que très pénible, et dans lequel le père a repoussé avec véhémence l’enfant qu’on voulait lui attribuer. Du jour au lendemain, par l’effet du jugement, cet enfant est déclaré le sien. S’ensuit-il que, dans le cœur de ce père, les sentimens de la veille fassent place aussitôt à la tendresse ou même à la sympathie ? C’est bien plutôt le contraire qui doit arriver. Les luttes judiciaires laissent de longues rancunes et l’enfant n’est que trop exposé aux représailles d’une haine d’autant plus violente. Est-ce que la nouvelle loi n’a pas été imprudente en assimilant la reconnaissance forcée à la reconnaissance volontaire, en lui faisant produire les mêmes conséquences, en donnant à ce père