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le droit d’agir. Il fallait que la loi retint seulement les cas où l’incertitude de la paternité se réduit jusqu’à disparaître. La loi s’est inspirée du Code civil d’abord, puis de la jurisprudence établie en matière de séduction ou fondée sur les engagemens du père naturel ; elle a retenu enfin la circonstance d’une vie commune qui a réuni les parens. Elle semble se renfermer ainsi dans les limites les plus prudentes.

C’est au Code civil qu’est pris le premier cas, celui de l’enlèvement, quand l’époque s’en rapporte à celle de la conception. Sous la même condition, la loi nouvelle assimile à l’enlèvement le viol. On avait hésité jadis sur ce point. On ne devait plus hésiter, du moment qu’on allait admettre des présomptions de paternité qui n’ont pas physiologiquement la même rigueur.

Le second cas est ainsi défini : « séduction accomplie à l’aide de manœuvres dolosives, abus d’autorité, promesses de mariage ou fiançailles, et s’il existe un commencement de preuve par écrit, dans les termes de l’article 1347. » Ce sont très exactement les circonstances où les tribunaux avaient coutume d’accueillir une demande de dommages-intérêts formée par la fille séduite contre le séducteur ; elles font toutes ressortir une faute ; elles doivent toutes engager une responsabilité, et c’est ici que le sentiment public trouvera le mieux à se contenter. L’homme qui a usé de manœuvres dolosives, qui a commis l’abus d’autorité, qui a fait les promesses de mariage, ne sera plus seulement responsable envers la fille qu’il a rendue mère : il sera tenu aussi envers son enfant. Rien ne semble plus équitable ; et la conscience publique ne trouvera pas à s’alarmer d’une incertitude qui rende la paternité douteuse. Qu’on le remarque : c’est ici le cas où la fille a été certainement victime ; le plus souvent, elle sera mineure ; elle sera dans la dépendance de l’homme, ouvrière, domestique, employée ; elle aura été recherchée en mariage. De toutes manières, elle se présente à la justice avec les garanties d’un malheur qu’elle aura subi et d’une honnêteté qui donnera plus de force à sa parole. Cependant, quelque faveur qu’elle semble mériter, la loi a voulu écarter les chances les plus légères d’incertitude. Il ne suffira donc pas qu’elle apporte des présomptions graves et précises. Elle ne saurait être écoutée si elle ne fournit un « commencement de preuve par écrit » des faits de séduction qu’elle invoque. Ce commencement de preuve par écrit, le Code