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La société reste intéressée essentiellement à l’intégrité de la famille légitime. Toutefois, elle l’est aussi, quoique moins fortement, à ce que les enfans naturels ne soient privés ni de soins, ni d’alimens, ni d’éducation. Elle a besoin qu’ils vivent ; car elle compte, chaque année, les vies humaines qui maintiennent à peu près le chiffre de sa population : tout sacrifice lui est redoutable. Elle a besoin qu’ils soient élevés décemment ; car livrés à eux-mêmes et au hasard, ils accroissent cette armée du crime qui devient de plus en plus menaçante. Enfin, elle a besoin que le père et la mère, comme c’est leur devoir, se chargent de cette éducation ; car elle plie déjà sous le fardeau des dépenses que les enfans délaissés imposent à l’assistance publique. Voilà donc un intérêt social de premier ordre qui commande de rechercher le père naturel pour le forcer à nourrir et à élever son enfant. Sans doute, la famille légitime en sera quelque peu atteinte ; mais peut-être, aussi, n’est-il pas impossible de concilier ses droits primordiaux et ceux qu’il paraît nécessaire de donner à l’enfant au regard du père naturel.

Cette nécessité a pénétré les esprits, et, lorsque le Sénat vota le premier, en 1910, la proposition qui est devenue récemment une loi, on sentit qu’il ratifiait un vœu de l’opinion. Il faut dire aussi que c’est alors, la générosité qui l’a entraîné ; c’est le désir d’empêcher une injustice ou d’en permettre la réparation ; c’est le souci du sort, et de la mère, et de l’enfant. A aucun moment, dans ces débats ni dans ceux de la Chambre, il n’a été soutenu que le mariage devait subir un échec, ni que la famille légitime devait être amoindrie. Il importe de le rappeler au moment où la loi entre en vigueur : elle doit être appliquée dans l’esprit même où elle a été votée.


III

Que dit cette loi ?

Elle a un triple objet : elle énumère les cas où la recherche de la paternité est permise ; elle précise d’autres cas où le demandeur ne sera même pas admis à faire sa preuve ; elle prend enfin des mesures pour décourager les demandes frauduleuses et les tentatives de chantage.

La première partie était la plus délicate, la plus difficile, la plus dangereuse aussi ; c’est là que les intéressés vont trouver