Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 13.djvu/587

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Qu’il ait existé ou non un accord entre le Cabinet de Vienne et le roi Ferdinand, l’Autriche a cru à la défaite des alliés, tout au plus a des succès éphémères pour les Bulgares. Dès lors sa politique était toute tracée ; elle intervenait en médiatrice, elle imposait la paix aux belligérans ; au besoin ses troupes pénétraient dans le sandjak de Novi-Bazar et s’avançaient dans la vallée du Vardar ; la paix était conclue sur la base de l’autonomie de la Macédoine et de l’Albanie. L’Autriche gardait le sandjak et communiquait par là avec l’Albanie dont elle obtenait le protectorat ; la Macédoine autonome était organisée sous la tutelle effective de la Bulgarie qui garantissait à l’Autriche la libre disposition des routes commerciales et du port de Salonique. Vienne aurait exercé, en fait, le contrôle supérieur de la péninsule balkanique. Remarquons bien que la proposition du comte Berchtold (14 août) aurait conduit pratiquement à un résultat très voisin ; et c’est aussi, à peu de chose près, ce que demandèrent les alliés dans leur ultimatum à la Turquie. C’est donc certainement ce résultat qu’a visé l’Autriche. L’Italie, occupée en Libye, ne pouvait pas la gêner. Il n’est même pas besoin de faire intervenir l’hypothèse d’un accord formel avec la Bulgarie ; l’accord allait de soi, il était dans la nature des choses, dans la logique des situations. La Bulgarie prenait ses sûretés ; elle obtenait l’autonomie de la Macédoine et, en cas d’insuccès général, elle assurait sa retraite et celle de ses alliés.

Qu’un accord austro-bulgare ait existé, ou que l’Autriche ait manœuvré comme s’il existait, on en trouve une confirmation significative dans l’attitude de la Roumanie. Le gouvernement de Bucarest faisait dire depuis longtemps que tout accroissement de la Bulgarie serait, pour lui, une diminution de puissance relative, qu’il ne permettrait donc à la Bulgarie d’entreprendre une guerre de conquête contre la Turquie que si, tout d’abord, elle lui assurait, à titre de compensation, Silistrie et une bande de territoire allant du Danube à la mer. Si le gouvernement de Sophia s’y refusait, l’armée roumaine ferait cause commune avec la Turquie pour maintenir dans les Balkans le statu quo nécessaire à l’équilibre. Or, qu’avons-nous vu ? Les Roumains n’ont pas fait ce qu’ils avaient annoncé ; ils n’ont engagé aucune négociation préalable à la guerre. Comment expliquer ce revirement ? Par le voyage du comte Berchtold à Sinaïa à la fin d’août. Le ministre a dû faire part de ses vues au roi Carol avec