Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 13.djvu/585

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Reichstadt, était l’ébauche d’un partage de ce genre puisqu’elle donnait à la Russie sa liberté d’action dans l’Est de la péninsule et réservait la Bosnie et l’Herzégovine à l’influence de l’Autriche. Mais, après le traité de Berlin, la Russie se trouva séparée de la Turquie par la Roumanie et la Bulgarie qui grandirent et devinrent fortes ; elle ne toucha plus à l’Empire ottoman qu’en Asie et par mer. La Bulgarie, fille émancipée de la Russie, se substitua partiellement à elle dans sa politique, dans ses ambitions territoriales en Thrace et en Macédoine et dans la marche sur Constantinople. L’Autriche-Hongrie, au contraire, resta, par le sandjak de Novi-Bazar, en contact direct avec l’Empire ottoman. Depuis lors, les relations de la Russie avec l’Autriche, dans les Balkans, restèrent froides. Lorsqu’on vit les deux pays conclure une entente, ce fut pour, une politique négative de commune abstention et de commun désintéressement (entente de 1897 et accord de Murzsteg, 1903). Au contraire, entre la Bulgarie et l’Autriche, qui ne sont pas en contact territorial, de bonnes relations s’établirent ; Stamboulof suivit une politique d’émancipation vis-à-vis de la Russie et se rapprocha de Vienne. L’élection du prince Ferdinand de Cobourg, en 1887, passa pour un succès autrichien et, de fait, ce n’est qu’en 1896 qu’une réconciliation s’opéra entre le prince et le Tsar sous les auspices de M. Hanotaux. Un accord entre Vienne et Sophia pour un partage d’influence dans la péninsule et même pour un partage territorial, Constantinople étant réservée, est « dans l’air » depuis longtemps ; on l’a souvent annoncé ; il a été probablement discuté, ébauché ; il est possible qu’il ait été réalisé.

A mesure que la Serbie se dégageait, par un travail opiniâtre, de la dépendance économique de l’Autriche, qu’elle constituait une armée et un gouvernement, une autre solution apparaissait dont la formule était : « les Balkans aux peuples balkaniques, » et qui s’est concrétisée, en 1912, dans les accords serbo-bulgare et gréco-bulgare. Mais il n’est pas sûr que la combinaison nouvelle, qui a fait si brillante fortune, n’ait pas été mêlée de quelques vestiges de l’autre combinaison regardée, naguère encore, comme vraisemblable. Le roi Ferdinand est un de ces hommes qui, — comme le dit Bossuet de Cromwell, — ne laissent rien à la fortune de ce qu’ils peuvent lui ôter par conseil et par prévoyance. Souverain d’un petit royaume qui s’avance, par les sentiers les plus ardus, vers un grand avenir, il ne risque