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jamais. Mais à quoi bon insister ? Dans quelques jours, dans quelques heures même, nous serons fixés.


Nous avons fait allusion à la situation extérieure à propos de l’élection présidentielle : elle n’est malheureusement pas moins préoccupante qu’il y a quinze jours ; il semble même qu’elle le soit davantage ; en tout cas, elle n’est pas dénouée. A mesure qu’on avance, on aperçoit plus distinctement les difficultés qu’elle recèle, aujourd’hui celle-ci, demain celle-là, puis cette autre encore, à laquelle l’opinion mal avertie n’avait pas songé. Il est impossible de tout dire, ou même de dire toutes les choses essentielles dans une chronique : à chaque quinzaine suffit sa peine. Le fait saillant, à l’heure où nous sommes, est que la Conférence des délégués balkaniques et turcs est arrivée à Londres à une impasse ou, comme on dit, à un point mort. On l’appelait la Conférence de la Paix, parce qu’elle était chargée de la conclure : en réalité, elle l’a mise en péril et, sachant sa responsabilité, elle a, qu’on nous pardonne le mot, passé la main à la Commission des ambassadeurs. On a vu alors combien sir Edward Grey avait été bien inspiré en formant cette dernière, comme un moyen de sauvetage préparé en prévision de l’événement qui vient de se produire. Si la Commission des ambassadeurs n’avait pas existé, nous ne dirons pas que la rupture se serait produite ni qu’elle aurait amené nécessairement la reprise des hostilités. L’Europe aurait été là tout de même, mais elle n’aurait pas été aussi proche, aussi prête ; elle n’aurait pas pu opérer aussi vite, dans un moment où les heures, les minutes même sont précieuses et où il importe de n’en rien perdre. Voici, en traits rapides, comment les choses se sont passées.

Les représentans des alliés balkaniques ont eu les premiers la parole à la Conférence. Ils étaient demandeurs, on attendait leurs demandes. Elles ont été exorbitantes et, de l’aveu commun, inacceptables pour les Turcs auxquels elles ne laissaient en Europe que la ville de Constantinople et sa banlieue d’une part, et la péninsule de Gallipoli de l’autre, c’est-à-dire, très strictement, les rives du Bosphore et des Dardanelles. Entre ces deux tronçons de territoire, celles de la mer de Marmara devaient appartenir aux alliés. On demandait tout aux délégués turcs ; ils ont cédé à la tentation de répondre qu’ils n’accorderaient rien, ou peu s’en fallait, pensant qu’ils servaient ainsi aux alliés la monnaie de leur pièce ; mais la situation entre vainqueurs et vaincus n’était pas égale. Les délégués ottomans ont cru mettre de l’esprit dans leur réponse en rappelant qu’avant la