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donne, animé d’un désintéressement sincère, n’a aucune prétention d’en faire tourner l’avantage à son profit. Cette autorité, quelques-uns des candidats qui se présentent à la Présidence de la République la possèdent : ils la doivent à un long passé où ils ont fait leurs preuves, aux services qu’ils ont rendus, à ceux que notoirement ils peuvent rendre encore, à la pratique des grandes affaires à laquelle ils ont excellé, à l’estime de l’Europe qu’ils ont su acquérir et dont, plus que jamais peut-être, ils ont besoin aujourd’hui.

Il ne faut pas se dissimuler, en effet, que la situation présente est très sérieuse, soit au dedans, soit au dehors. A l’intérieur, les fautes accumulées depuis quelques années sont sur le point de produire leurs conséquences fatales. L’anarchie commence à pénétrer partout et nos administrations publiques, placées sous l’influence désorganisatrice de l’esprit de parti, corrompues par le favoritisme, insoucieuses de la hiérarchie, sans règles fixes et sans méthodes, négligent de plus en plus l’intérêt général pour ne songer qu’aux intérêts particuliers d’une clientèle politique et surtout aux intérêts personnels de leurs membres. L’intérêt de la fonction a fait place à celui des fonctionnaires, et le mal s’est introduit par là, à des degrés divers, dans toutes nos administrations. Que dire de la situation financière ? Elle est en ce moment la principale préoccupation de ceux qui la connaissent et, au surplus, tout le monde la connaîtra bientôt, car, quelque effort qu’on fasse, on ne peut pas la dissimuler beaucoup plus longtemps. L’équilibre, dans nos derniers budgets, a été obtenu par des expédiens au bout desquels on devait arriver bientôt, et nous y sommes arrivés. Les plus-values de ces dernières années ont permis d’entretenir quelque temps encore des illusions qui se dissipent à mesure que croissent nos dépenses, et elles croissent toujours. Aussi notre déficit actuel est-il d’environ 300 millions : que fera-t-on pour y pourvoir ? Le gouvernement radical aura, dans tous les sens du mot, coûté cher au pays. Le danger crève les yeux : s’occupe-t-on d’y remédier ? On voudrait le faire, certes ; nous n’accusons pas la bonne volonté de nos ministres ; nous accusons la politique qui rend leur bonne volonté impuissante. Il suffit que les instituteurs ou les postiers élèvent la voix pour qu’on leur abandonne les millions par douzaines. On les blâme, on leur inflige des peines dérisoires, on exprime l’assurance qu’ils ne recommenceront pas. Et pourquoi ne recommenceraient-ils pas puisqu’ils visent à la bourse et qu’on la leur ouvre ? Malheureusement, elle se vide. Le désordre administratif et le déficit budgétaire sont, à l’intérieur, les deux principales difficultés