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les nombreux et éclatans mérites littéraires des deux premières grandes œuvres de Mlle de Handel-Mazzetti.

Il était en effet incontestable que, au simple point de vue de la « tenue » littéraire des deux romans, une espèce de caprice féminin tel que celui-là semblait pour le moins déplacé. Je ne saurais assez dire par combien de science pittoresque, et de fine observation personnelle, souvent même de véritable beauté poétique, la jeune femme avait réussi à le racheter, surtout dans son Jesse et Marie, — la Pauvre Marguerite ayant encore le grave défaut de reproduire à peu près entièrement le sujet, les situations, et quelques-uns des personnages du récit précédent. D’emblée Mlle de Handel avait déployé, dans le genre difficile du roman historique, une sûre et délicate maîtrise qui, par delà tous ses contemporains, la reliait directement à la tradition glorieuse des Gottfried Keller et des Conrad-Ferdinand Meyer. Les cadres et décors de ses romans unissaient à leur forte harmonie générale une précision érudite du menu détail qui achevait de nous donner l’illusion d’assister de très près aux luttes religieuses et politiques du Tyrol pendant le début du XVIIe siècle ; et bien que cette évocation colorée et vivante des milieux historiques constituât assurément pour nous le principal attrait des deux romans, à chaque instant ils nous offraient aussi des figures individuelles dessinées avec un relief, une vérité inoubliables. Seuls les rôles des personnages dominans trahissaient en maints endroits l’inexpérience d’un auteur qui, peut-être, portait ainsi la peine d’avoir visé trop haut, en rêvant de substituer à l’intrigue, toujours un peu banale, de ses devanciers, de grands drames d’une intensité de passion toute « cornélienne, » d’ardens et pathétiques conflits entre quelques-uns des sentimens les plus profonds de notre cœur humain.


Or voici que le nouveau roman de Mlle de Handel-Mazzetti, publié après plusieurs années de recueillement silencieux, ne contient plus aucun des défauts de ses deux œuvres précédentes ! Très suffisamment différent de celles-ci par son sujet, et beaucoup plus encore par toutes ses allures, il ne garde plus aucune trace, en particulier, de l’ancienne tendance de l’auteur à nous rendre odieux ou sympathiques les rôles de ses personnages suivant qu’ils se trouvent être ses coreligionnaires ou les ennemis de sa foi catholique. Non pas, au moins, que la romancière autrichienne se soit convertie dorénavant à la pratique habituelle de ces écrivains qui, ayant à nous raconter des luttes religieuses, se croient astreints par