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eaux et de l’air. Ces êtres légers qui semblent l’âme du lac, des arbres et de la prairie, exécutent dans une atmosphère vaporeuse des danses de rêve, cependant que l’aurore, qui peu à peu éclaire le paysage, efface par degrés l’illusion et fait s’évanouir l’essaim voltigeant. Ce sont des enfans, élèves de la Loïe Fuller, qui exécutent ces danses et, en agitant des gazes au-dessus de leur tête, donnent cette impression de nuées multicolores. On n’imagine pas de spectacle plus gracieux et plus poétique, — poésie des gestes, des mouvemens, des ondes lumineuses, à laquelle on se rend bien compte que la poésie des mots n’ajouterait rien.

Nous aurons encore la vision d’un temple au bord de la mer. Assise sur un rocher, Hélène est entourée de quelques nymphes. Vous ai-je dit qu’à un des tableaux précédens nous avions vu une Vénus presque nue, à quelques guirlandes de fleurs près ? Ce sont, comme disait Bossuet.de ces cas où les paroles languissent auprès des réalités. Enfin nous assisterons à la mort de Faust, dans son cabinet peint par Rembrandt. Les cloches de Pâques sonnent gaiement. On entend la voix de Marguerite qui intercède pour son hideux séducteur ; et, puisque Faust ne sera pas damné, c’est donc qu’il y a aussi peu de justice dans l’autre monde que dans celui-ci.

On a été un peu surpris de constater que cette adaptation se limite presque exclusivement à l’épisode de Marguerite et diffère à peine du livret de Barbier. Toutefois y avait-il, dans ces décors et parmi ces divertissemens, place pour autre chose que pour un Livret d’opéra ? C’est bien à un opéra que nous avons été conviés. Ballet, tableaux vivans, machines, trucs, musique d’orchestre, il n’y manque que le chant. Peut-on même dire qu’il y manque ? Les mélodies de Gounod et de Berlioz qui traînent dans notre mémoire viennent d’elles-mêmes se mettre sous les paroles. Mais, s’il faut s’en rapporter à l’amusante saynète de M. Pierre Veber : Une loge pour « Faust, » l’opéra qu’on joue à l’Opéra se démode : on ira l’entendre à l’Odéon.

L’interprétation est très convenable. M. Joubé qui joue le rôle de Faust m’a paru meilleur en Faust vieillard qu’en Faust gentilhomme. Sa voix qui est grave se prête mieux aux lamentations du philosophe qu’aux déclarations de l’amoureux. M. Desfontaines s’est tiré tout à fait à son honneur du rôle de Méphistophélès. Il y met beaucoup de souplesse et de variété, et, en plus d’un endroit, il a fait sentir la raillerie méchante et la dérision amère du mauvais esprit. Mlle Sylvie est une Marguerite d’une simplicité louable, quoique peut-être excessive. Enfin, pourquoi ne pas dire que le philosophe et le diable, l’ingénue