Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 13.djvu/444

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas mieux valu graver le célèbre et beau sonnet composé par Alfieri, le jour où il visita la maison d’Arquà :


O cameretta che già in te chiudesti
Quel grande alla eut fama augusto é il mondo...


La collection des vieux registres que les visiteurs signèrent est curieuse à parcourir. J’y ai cherché le nom de Byron qui y figure deux fois, en 1817 et en 1821. Je ne sais plus dans quel ouvrage, celui-ci a traité Pétrarque de « vieux radoteur » et de « métaphysicien pleurard. » C’est qu’avec son tempérament impulsif et passionné, il ne comprenait guère la fidélité amoureuse et préférait, à l’époux de Laure, les maris du genre de Guiccioli. Mais néanmoins ce ne fut qu’une boutade et les nobles vers de Childe Harold la font aisément pardonner. Je n’ai pas trouvé sur les registres le nom de Stendhal qui nous dit cependant être resté quatre jours à Arquà. Sans doute visita-t-il la maison du poète bien qu’il n’en parle pas. Pourtant le loisir de noter ses impressions ne lui fit pas défaut, puisqu’il eut le temps d’écrire une longue dissertation sur la manière dont les Italiens et les Français comprennent le bonheur. Mais peut-être était-il de l’avis de Chateaubriand, qui raille ceux qui espèrent prolonger leur mémoire en attachant à des lieux célèbres un souvenir de leur passage. Un jour que l’auteur de René s’efforçait de lire un nom qu’il croyait reconnaître sur les murs de la villa Adriana, un oiseau s’envola d’une touffe de lierre et fit tomber quelques gouttes de la pluie passée : le nom avait disparu...

Le seul endroit de la maison qui ait été absolument respecté, c’est la petite bibliothèque, à côté de sa chambre à coucher, où Pétrarque aimait à se retirer. Là, il était tranquille et isolé. Il échappait aux importuns, aux visiteurs, à tous ceux qui interrompaient ses travaux. « Lire, écrire, méditer sont encore, avoue-t-il, comme dans ma jeunesse, ma vie et mon plaisir. Je m’étonne seulement, après un tel labeur, de savoir si peu. » Il sent que les heures pressent. « Je me hâte... il sera temps de dormir quand je serai sous terre. » Couché très tôt, comme les paysans d’Arquà, il se lève avant eux, au milieu de la nuit, allume la petite lampe suspendue au-dessus de son pupitre, et travaille jusqu’à l’aube. C’est là qu’un matin de juillet, ses domestiques l’aperçurent courbé sur un livre. Comme ils le voyaient souvent dans cette attitude, ils n’y