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du buste en bronze qui fut incrusté dans la pierre, au XVIe siècle, une épitaphe nous indique que ce tombeau ne renferme que les ossemens de Pétrarque. Encore n’y sont-ils plus au complet, puisque, le 27 mai 1630, un dominicain de Portogruaro brisa un angle de la tombe et réussit à emporter un bras. Était-ce pour l’offrir à Florence, comme on l’a prétendu ? Peut-être, car il est certain que toute l’Italie envia la gloire d’Arquà. Déjà Boccace louait le village d’avoir conservé les os de l’illustre vieillard et blâmait Florence qui n’avait pas su retenir son fils : « Comme Florentin, j’envie Arquà qui, jusqu’alors obscure, deviendra célèbre parmi les nations. Le marin revenant des plus lointains rivages regardera avec émotion les monts Euganéens et dira à ses compagnons : c’est au pied de ces collines que Pétrarque dort. »

N’eût-elle que ce tombeau, Arquà serait, en effet, immortelle. Mais elle garde jalousement un autre souvenir : la maison où l’amant de Laure vécut ses dernières années. Pour y monter, le chemin est rude ; il n’a pas dû changer depuis le jour où, — comment n’y pas songer ? — on descendit le glorieux cercueil, au milieu de la prosternation de tout un peuple, entre ces mêmes murs, sur ces mêmes cailloux. Voici encore un des coins d’Italie, chaque année plus rares, où le modernisme et le progrès n’ont rien gâté.

Devant la maison est un petit jardin, malheureusement récent, puisqu’il ne figure pas dans des estampes du siècle passé ; mais il n’est pas douteux qu’un semblable devait exister du temps de Pétrarque. Celui-ci aimait ses arbres et ses fleurs presque autant que ses livres, ce qui n’est pas peu dire, quand on se rappelle le bibliophile qu’il fut. L’un des premiers, il sentit la nature et son surnom de silvanus indique bien ses goûts. Il a rédigé un journal de jardinage très détaillé. Une de ses lettres est datée « de l’ombrage d’un châtaignier. » Avec l’âge, son amour de la campagne s’accrut, ainsi qu’il arrive presque toujours ; à mesure que nous avançons dans la vie, nous nous rapprochons de la terre, comme pour nous faire une amie de celle qui va nous recevoir. L’éclat des cités bruyantes ne tente plus les regards prêts à s’éteindre ; rien n’est aussi doux aux vieillards que les rayons d’un beau soleil. C’est ce qu’exprima Byron dans les magnifiques strophes de Childe Harold où il évoque Pétrarque. « Si c’est dans la société que nous