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insiste : « Saint-simoniens industriels, hommes, femmes, enfans, ici rassemblés dans une commune affection, votre rôle est grand ! Vous sortez de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre ; vous avez subi depuis le commencement du monde l’épreuve la plus grande qu’aucune autre classe de la société ait eu à subir. Jusqu’à ce jour, jusque dans cette enceinte, vous avez toujours été exploités. Dieu voulut que les travailleurs vécussent au jour le jour et parvinssent, par une série d’épreuves, à comprendre tout ce qu’il y avait de grand dans le monde, tout ce qui avait échappé à leurs observations, renfermés qu’ils étaient chaque jour dans un travail manuel. Dans cette enceinte, vous oubliez un moment l’outil qui toutefois vous fait vivre ; vous comprenez qu’il existe d’autres hommes qui ne manient pas le marteau et le rabot, des hommes dont les intelligences seules travaillent, et que ces hommes, qui ont dû les premiers arriver à l’émancipation, forment avec vous une seule famille ; vous comprenez Dieu, l’univers vivant, la vie universelle, non seulement dans votre travail qui en fait partie, mais dans le travail de tous ces hommes qui ont pour objet d’augmenter les connaissances humaines, de donner aux hommes de nouveaux moyens de travail, et de perfectionner leurs sentimens de famille, de fraternité et d’association. »

Comment nier la noblesse de ce discours ? L’initiation vient après : LE PÈRE OLINDE RODRIGUES : « Hippolyte Pennekère, approche. » H. Pennekère monte à l’estrade. Le P. O. R. : Qui es-tu ? — H. P. : Je suis prolétaire. — Le P. O. R. : Quelle est ta vie ? — H. P. : Celle d’un ouvrier. — Le P. O. R. : Ta profession d’aujourd’hui ? — H. P. : Commis en librairie, etc. — LE PÈRE OLINDE : Et toi, Gallet, d’où viens-tu ? — GALLET : Je suis né de parens prolétaires, et j’ai travaillé pour vivre et les faire vivre. Je suis parvenu dans le commerce, grâce à mes efforts, au plus haut point où un prolétaire puisse parvenir avec sa seule capacité. — Le P. O. R. (l’embrassant) : Va, Gallet, ta vie est à nous ! » La foi est contagieuse. Mme Noël, marchande de modes, imite Pennekère et Gallet : « Mon père, et vous, mes frères, mes sœurs, moi aussi, je suis sortie de la classe prolétaire ; bien mieux, y ayant passé toutes les positions les plus affreuses de ma vie, je déclare que je suis heureuse de pouvoir faire entendre aussi ma voix parmi mes frères. » Et Bernard, cordonnier, imite Mme Noël : « Mes pères, mes frères, ce qui