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Ce sont des perles fausses ! Mon collier de perles vraies, pareil à celui-ci, est à Paris, dans un coffre du Crédit Lyonnais. Il y a six mois je suis revenue seule au Brésil, et je n’ai pas voulu apporter avec moi mes bijoux.

— Je comprends maintenant... commençai-je à dire...

Je m’étais rappelé Lisetta et la façon dont son pied avait traité ce collier. Mais je m’arrêtai à temps.

— Que comprenez-vous ? me demanda Mme Feldmann, curieuse.

— Rien, rien... C’est une merveilleuse imitation.

Mais Mme Feldmann fit une réflexion plus philosophique :

— Ce que c’est que l’idée ! On ne devrait jamais porter que de fausses perles. Si le monde vous attribue une fortune suffisante pour en avoir de vraies, il croit vraies même celles qui sont fausses ; et, s’il ne vous attribue pas assez de fortune, il croit fausses même celles qui sont vraies.

Et, sur ce, elle s’en alla. Je dis alors à ma femme :

— Elle déteste positivement son mari.

Mais, en ce moment, Cavalcanti survint.

— Venez, venez, Ferrero, me dit-il. Rosetti a repris avec Alverighi cette discussion sur le progrès que nous avions à peine entamée...

Nous passâmes sur l’autre bord du navire. Au milieu du pont de promenade, non loin des escaliers qui montent au pont supérieur, sous la pluie mélodieuse de notes et d’accords qui tombait du salon d’en haut où l’on continuait à danser, Rosetti, Alverighi, l’amiral étaient assis en groupe. « Non, non, non ! » Telle fut la première phrase que j’entendis, en m’approchant. C’était Alverighi qui parlait avec animation. Gina s’assit sur le fauteuil que Cavalcanti avait laissé vide pour venir à notre rencontre ; lui et moi, nous apportâmes d’autres sièges et nous primes place dans le cercle.

— Non, vous dis-je ! continua Alverighi. On ne peut pas comparer les peuples, et l’idée même d’une civilisation raffinée doit être extirpée des cerveaux par le fer et par le feu. Une civilisation raffinée, si elle n’est pas un vice, est à tout le moins un mensonge, une illusion, un charlatanisme.il n’y a et il ne peut y avoir ni critérium esthétique, ni critérium moral du progrès. Là est l’erreur de Mme Ferrero et de M. Cavalcanti.

— Vous prétendez donc, reprit Rosetti, qu’au point de vue