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REVUE. — CHRONIQUE.

n’attend de l’Autriche-Hongrie qu’elle renvoie du jour au lendemain dans leurs foyers tous les hommes qu’elle a appelés depuis quelque temps sous les drapeaux ; mais si on apprenait qu’elle y en a renvoyé quelques-uns et si elle répondait ainsi aux marques de déférence pour ses intérêts qui lui ont été données, les amis de la paix lui en seraient reconnaissans. Nous disons bien : les amis de la paix, car c’est la paix qui est en cause, et quand M. Poincaré a parlé d’une reprise possible des hostilités balkaniques qui risquerait, cette fois plus encore qu’auparavant, d’élargir le champ de la conflagration, il a cru sans nul doute que, si le feu prenait à l’Europe, c’est bien de l’Autriche qu’en viendrait la première étincelle. Pour quel intérêt l’Autriche s’exposerait-elle et exposerait-elle l’Europe à un pareil risque ? On le cherche en vain. Même sur cette misérable affaire du consul Prochaska, que l’Autriche a si fort exagérée et qui se réduit en fin de compte à si peu de chose, toute satisfaction lui a été donnée. La Serbie semble avoir pensé que, suivant un vieux mot de Bismarck, dans certains cas, c’est le plus raisonnable qui cède. Le gouvernement autrichien s’est engagé si à fond dans cette affaire, avant de la bien connaître, et l’opinion autrichienne en a été si fortement secouée dans des sens opposés, qu’il convient aujourd’hui de combiner un dénouement qui ménage tout. Le gouvernement autrichien n’est pas toujours habile : il faut s’en accommoder. Quant au gouvernement serbe, il a pris son parti de faire ce qu’on voudrait dans une affaire qui n’a d’autre importance que celle qu’on entend lui donner. Sur tous les points, le conflit austro-serbe est donc, sinon tout à fait aplani, au moins bien près de l’être. Alors, à quoi bon ce bruit d’armes qui continue encore ? Après avoir accordé à l’Autriche tout ce qu’elle a voulu, faudra-t-il se demander ce qu’elle veut encore et attendre avec anxiété qu’elle le dise ? Ses meilleurs amis et ses alliés eux-mêmes s’en étonneraient.

Quoi qu’il en soit, le danger immédiat n’est plus de ce côté, mais il est peut-être encore du côté des alliés balkaniques et de la Turquie. Si la réunion des ambassadeurs est rassurante, la Conférence dite de la paix l’est moins. Les délégués balkaniques, sur la demande des délégués turcs, ont fait connaître leurs conditions : elles sont inacceptables et ne seront pas acceptées. Les alliés ne laissent à la Turquie que deux tronçons de territoire en Europe : l’un comprend Constantinople et sa banlieue, l’autre la presqu’île de Gallipoli, c’est-à-dire les rives du Bosphore et celles des Dardanelles avec une solution de continuité territoriale entre les deux : solution de continuité