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liquides pour réduire dans une forte proportion les quantités immenses et très coûteuses de cuivre immobilisées dans les canalisations électriques. Mais ces résultats ne nous ont pas seulement procuré cette manifestation amusante de l’humour britannique. Ils ont, — ce qui est peut-être mieux, — prouvé sans réplique que l’idée d’Ampère est exacte, d’après laquelle la résistance opposée par les métaux au passage du courant électrique a son siège non pas dans les molécules elles-mêmes qui sont parfaitement conductrices, mais dans les intervalles intermoléculaires.

Le froid, en contractant les corps, diminue ces intervalles ; et il est probable qu’au zéro absolu, ceux-ci étant réduits à zéro, la conductibilité serait infinie. C’est une induction qu’il est d’autant mieux permis d’énoncer que nous serons éternellement dans l’impossibilité de la vérifier.

Ainsi le froid nous ouvre des aperçus nouveaux sur l’essence même des granules élémentaires qui composent le monde. Il nous reste à montrer comment il agit sur la vie elle-même, celle des végétaux et des animaux, celle aussi des sociétés qu’il révolutionnera peut-être un jour.

En tout cas, dès maintenant la prophétie grandiose et hardie de Lavoisier nous apparaît comme l’expression même de la réalité. Et nous pouvons nous imaginer que plus tard, dans quelques millions de siècles, quand le Soleil éteint et refroidi roulera son orbe sombre au fond du ciel plus sombre encore, des fleuves et des mers d’air liquide, des cascades d’oxygène et d’azote tombant de rochers d’acide carbonique baigneront cette petite sphérule qui fut le piédestal éphémère des hommes... A moins qu’au préalable l’accélération séculaire du mouvement de la Terre ne l’ait précipitée et volatilisée dans la fournaise encore ardente du Soleil. Car nous ne savons pas encore, de ces deux fins qui guettent notre planète, la mort par le froid ou par le feu, laquelle arrivera la première.


CHARLES NORDMANN.