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Mais si nous continuons de plus en plus à nous éloigner du Soleil par la pensée, si nous pénétrons dans les régions de l’espace où il ne sera plus qu’une lointaine étoile presque invisible au fond du ciel noir, n’allons-nous pas trouver des températures beaucoup plus basses encore, des centaines et des milliers de degrés au-dessous de zéro ?

Eh bien ! non, cela n’est pas possible ; car nous allons voir qu’il existe dans l’échelle des températures descendantes une limite infranchissable que la nature ne peut pas dépasser, et qui est 273° centigrades au-dessous de zéro. Il ne peut exister, nulle part et en aucune circonstance, de température inférieure à celle-ci que l’on a appelée pour ce motif le zéro absolu. D’où provient ce chiffre fatidique, ce pôle du froid, qui se dresse comme un mur inattaquable devant l’homme et devant la nature elle-même, et qui semble leur dire : « Tu n’iras pas plus loin ? » C’est ce que montreront, je pense, les réflexions suivantes, dont l’imparfaite rigueur n’a pour cause que mon désir d’éviter les démonstrations trop abstruses :

Qu’est-ce qu’un degré centigrade ? C’est par définition la centième partie de l’intervalle thermique qui sépare le point de congélation de l’eau (0°) de son point d’ébullition (100°). On s’est longtemps contenté de mesurer les degrés au moyen de thermomètres à mercure ou à alcool, où la dilatation du liquide le fait monter plus ou moins dans un tube capillaire gradué. Mais aux très hautes températures qu’on réalise dans les laboratoires, le mercure et l’alcool se volatilisent ; aux très basses, ils se congèlent. Les physiciens ont alors construit des thermomètres où le mercure et l’alcool sont remplacés par les seuls corps qui conservent le même état dans un intervalle très grand de température : les gaz, comme l’air ou l’hydrogène. Or ces gaz entre 0° et 100° se dilatent tous exactement de la même quantité qui égale, l’expérience le montre, les 100/273 de leur volume. C’est-à-dire que si on porte, de 0° à 100°, 273 centimètres cubes d’air, ils occuperont, la pression étant bien entendu la même, 373 centimètres cubes. Un gaz se contracte donc par définition d’un deux-cent-soixante-treizième (1/273) de son volume lorsqu’on le refroidit d’un degré. Si donc on refroidit un gaz à 272° au-dessous de zéro, son volume sera réduit de 272/273 ; il serait réduit à zéro si on pouvait le refroidir à 273° au-dessous de zéro. Il est clair que le volume d’un corps, quel qu’il soit, ne peut être complètement annulé, par aucun moyen, et c’est pour cela que — 273° est une limite qu’on ne peut non seulement pas franchir, mais même pas atteindre.

Les physiciens, — quand on fait des réformes, on n’en saurait trop