Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 13.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE SCIENTIFIQUE

LE FROID DANS LA NATURE ET DANS LA SCIENCE


I. — LE FROID DANS LA NATURE

Le froid n’est pas seulement le rude compagnon qui, dans ces mois d’hiver, fait grelotter les misérables sous les arches venteuses des ponts ; il n’est pas seulement l’artiste qui procure aux dilettantes de frissonnantes délices, dans la caresse exquise des fourrures, ou bien sous le regard tranquille de la lampe tôt allumée, tandis que derrière les chenets gambadent les flammes légères avec leurs rouges bonnets pointus. Au fond des laboratoires le froid a trouvé depuis quelque temps des adorateurs ; ils lui ont élevé dans la science un temple merveilleux où chaque jour on fouille et dissèque, grâce à lui, les entrailles inertes de la matière.

Les physiciens ont créé récemment toute une série de substances dont les températures sont au-dessous de tout ce qu’on pouvait imaginer naguère, et qui, après avoir singulièrement élargi nos idées sur la matière, pourraient bien, — ce qui a aussi son petit intérêt, — bouleverser avant peu l’industrie elle-même.

Que deviendraient les corps qui nous entourent si la température s’abaissait progressivement d’un grand nombre de degrés ? Nous savons que la vapeur d’eau quand on la refroidit se condense d’abord sous forme de liquide, puis se solidifie en glace. C’est l’immortel honneur de Lavoisier d’avoir le premier aperçu, — par une de ces intuitions qui précèdent souvent d’un siècle les résultats de l’expérience,