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légions de César en face des vaisseaux de Pompée. Choisissons seulement dans les temps modernes quelques exemples d’heureuse combinaison d’efforts sur terre et sur mer, quelques bons modèles d’adaptation exacte des facultés des flottes aux besoins des armées, parmi tous ceux que nous donne l’histoire militaire de 1790 à 1815. Nous y relèverons presque toujours, comme trait caractéristique, non pas l’insouciance, mais bien l’acceptation très délibérée, très ferme aussi, des chances contraires que peut entraîner, pour les assaillans, le fait que la force navale adverse n’est pas anéantie.

Il y a, dans cet ordre d’idées, de remarquables opérations des Suédois dans la Baltique, contre les Russes. Ces opérations sont peu connues en France parce qu’elles se déroulèrent en 1790, et que nos historiens de cette époque s’hypnotisent volontiers sur nos affaires intérieures. Quoi qu’il en soit, Gustave III voulait reprendre les districts finlandais cédés par la Suède à l’empire moscovite par le traité d’Abo. Après deux campagnes malheureuses, en 1788 et en 1789, il mit à la mer, au commencement de mai 1790, d’une part, une flotte de 23 vaisseaux et 25 frégates ou corvettes, commandés par le duc de Sudermanie, son frère ; de l’autre, une imposante flottille de 300 péniches, portant 2 000 canons et une armée de débarquement, sous l’escorte d’une escadre de bâtimens légers. Prenant en personne la direction de ce rassemblement, il battit à Frederiksham, le 15 mai, la flottille russe et opéra sa descente entre Viborg et Pétersbourg. L’alarme était grande dans cette capitale. Malheureusement, le roi de Suède perdit du temps pour marcher en avant et, de son côté, le duc de Sudermanie ne réussit pas à empêcher les deux divisions de la flotte russe, celle de Revel et celle de Cronstadt, de faire leur jonction sur le champ de bataille de Borgö.

La maîtrise de la mer, indécise jusque-là, passait décidément aux Russes !

Pendant un mois, vaisseaux suédois, frégates, péniches, troupes de débarquement, et Gustave III lui-même furent bloqués dans Borgo par la flotte moscovite. Mais, dans la nuit du 3 au 4 juillet, plusieurs brûlots audacieusement conduits mirent le désordre dans les vaisseaux de l’amiral Tchitchakof (c’est le résultat que l’on obtiendrait maintenant avec une brusque attaque de torpilleurs, par nuit noire) ; l’escadre suédoise