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doute mobilisée bien avant elle, mais au moins dans la Mer-Noire, où les torpilleurs bulgares ne furent prêts à marcher qu’au bout d’un mois ?

Et je sais bien que, de cette flotte turque, deux ou trois unités, au début des hostilités, allèrent jeter quelques obus sur Kavarna. Mais il y avait mieux à faire. Il y avait à former le plus tôt possible, à Sinope, à Trébizonde, à Samsoun, un convoi capable de porter une forte division de rédifs des vilayets du Nord de l’Anatolie, de ceux dont les contingens, acheminés par les interminables voies de terre, — par les pistes de caravanes, — arrivèrent bien après Kirk-Kilissé et Lulé-Bourgas sur le théâtre des opérations, où les attendait le choléra.

Ce convoi formé en quelques jours, car les élémens ne manquaient pas dans ces ports fréquentés de la côte méridionale de l’Euxin, il fallait le diriger soit sur Bourgas, soit sur Varna et y débarquer ces 12 ou 15 000 hommes, la côte n’étant pas sérieusement défendue, de même que la mer était libre.

« Mais qu’auriez-vous prétendu faire de cette poignée d’hommes, alors que la Bulgarie mobilisait plus de 200 000 soldats ? » diront peut-être les stratégistes à principes absolus qui font fi des diversions. — Tout simplement retarder la marche si rapide, foudroyante, a-t-on dit, et le mot n’est pas trop fort, de cette aile gauche bulgare, qui, partie du quadrilatère Varna-Choumla-Slivno-Bourgas, a mnené le train contre la grande armée turque, l’a assaillie brusquement par son extrême droite et culbutée à Kirk-Kilissé.

« Elle ne se serait pas arrêtée, ni détournée de son objectif pour jeter à la mer vos 15 000 Turcs... » m’objectera-t-on. Qu’en savez-vous ? En tout cas, si on les eût laissés libres d’occuper Bourgas, par exemple, port assez important, où ils auraient au moins trouvé les vivres et les souliers dont manquaient les corps d’armée groupés autour d’Andrinople, les 15 000 Turcs dont je parle se seraient promptement renforcés d’une nouvelle division, peut-être d’une troisième, et alors la diversion ne pouvait plus être négligée, car il ne s’agissait de rien moins que d’un corps d’armée prenant à revers l’aile gauche bulgare...

En résumé et quelques biais qu’il prit, le grand état-major ottoman aurait dû largement user de la mer, — où tout est chemin, — et de sa marine, au fur et à mesure que les élémens en