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le détroit, — en raison des batteries de la côte d’Asie, — à leur flotte de transport, il n’est pas douteux qu’à Gallipoli, Rodosto, Silivri, Artaki, Gemlik, Ismidt, ils trouveraient un nombre plus que suffisant de bateaux de toute espèce pour embarquer une forte division d’infanterie et quelques batteries de montagne[1], qu’ils iraient débarquer, — après avoir battu la flotte turque, s’entend, — vers San Stefano, sur la plage de Kutchuk-Tchekmedjé, qui est à une quinzaine de kilomètres en arrière des lignes. Et là, ce ne serait plus seulement de l’effet moral qui serait produit...

Au surplus, qu’on n’oublie pas que Constantinople même n’est pas défendue. Soit le Bosphore (qui n’est fortifié qu’à partir de Beïkos, dans sa partie Nord), soit les Dardanelles franchis, la vieille capitale de tant d’empereurs et de sultans est à la merci des canons d’un navire de guerre. L’escadre grecque, même aussi éprouvée qu’on la veuille supposer après sa lutte contre l’escadre turque, y aurait donc dicté sa loi. Les bâtimens de l’escadre internationale se seraient bornés à recueillir leurs nationaux, tout au plus à couvrir Péra et Galata. Mais, justement, ce n’est ni Péra, ni Galata qui s’offrent aux vues — et aux coups — lorsqu’on aborde Constantinople par la mer de Marmara, c’est Stamboul, c’est le château des Sept-Tours, léni Kapou, Koum Kapou, l’ancien Boukoléon et la mosquée d’Achmet aux six minarets et Saint-Sophie et le vieux sérail, toute la magnifique, pittoresque, mais impuissante Turquie des romantiques...

Quel admirable rêve pour la marine grecque et comment n’a-t-elle pas tout fait au monde pour vivre ce rêve en réalité !


Mais la flotte turque elle-même, qui semble à peine sortir de sa torpeur et dont on dit aujourd’hui qu’elle pourrait bien présenter le combat aux Hellènes, au dehors des Dardanelles, pourquoi n’a-t-elle pas agi plutôt, et vigoureusement, je ne dis même pas dans la mer Egée, où l’escadre grecque était sans

  1. Je trouve dans les nouvelles du jour, à propos des batteries de canons de montagne grecque, la confirmation de la facilité avec laquelle elles s’adaptent à toutes les exigences du terrain et savent se passer de chemins frayés. C’est dans les opérations difficiles conduites autour de Janina. Un correspondant du Journal des Débats les a vues s’établir sur des pics réputés inaccessibles qui dominent le défilé de Pente Pigadia.