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naissante marine, qui montre ainsi ce qu’elle eût pu faire avec des moyens moins restreints ; et l’état-major du roi Ferdinand regrette sans doute aujourd’hui de n’avoir pas donné à la force navale de la Bulgarie un développement qui lui aurait permis de disputer à la flotte du Sultan, aussi mal organisée que son armée, la maîtrise de la Mer-Noire.

D’autre part, et comme on supposait que, sauf les Monténégrins, un peu loin, vraiment, les alliés balkaniques tiendraient tous à honneur de jouer leur rôle dans l’assaut des remparts avancés de Constantinople, on assurait que la marine grecque allait convoyer jusqu’à Enos, au Nord de la presqu’île de Gallipoli, une division de l’armée du Diadoque, qui serait venue, avec les Serbes de la Strouma, se ranger à la droite de l’armée bulgare.

Ce bruit ne se confirme pas[1]. Plus agissante aujourd’hui qu’en 1897, cette petite marine grecque a efficacement bombardé Prevesa d’Epire, en face d’Actium, — car on se bat toujours aux mêmes endroits, — coulé des canonnières, torpillé, elle aussi, un petit cuirassé turc qui, au demeurant, se gardait fort mal à Salonique. Cela fait, elle a paru s’employer exclusivement à mettre au pouvoir du roi Georges les îles de la mer Egée. C’est assez l’habitude, dans les coalitions, qu’après le premier effort donné, chacun tire de son côté et va où l’appellent ses visées favorites ou ses intérêts immédiats.

Les Grecs savent bien que, cette fois. encore, Constantinople leur échappera ; du moins veulent-ils avoir les abords des Dardanelles ; délivrer promptement, aussi, du joug turc leurs frères de l’Archipel et prendre des gages qu’il sera difficile de leur enlever : Beati possidentes !...

Tout cela, encore un coup, est très naturel et parfaitement justifié au point de vue purement hellénique ; mais, au point de vue de l’intérêt commun et du succès final des opérations d’ensemble auxquelles il était logique de n’assigner de terme que devant le portail de Sainte-Sophie, il y avait mieux à faire d’une petite escadre qui semble solide et assez bien entraînée.

Profitant de ce qu’une partie des navires ottomans restait

  1. On dit, en revanche, que l’escadrille de contre-torpilleurs grecs aurait accompagné à Dédéagatch les transports qui avaient embarqué une division bulgare à Salonique. L’opération aurait porté sur 17 000 hommes et 3 000 chevaux, ce qui est beaucoup, en vérité.