Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 13.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec le vieux Monsieur ? — Le Pape ? reprenait le chancelier. Oh ! tout à fait bien. Il a même confiance en moi, et il a raison de croire à mon équité. Mais Windthorst, lui, c’est le père des mensonges ; il ment contre nous, il ment contre le Pape. » Et Bismarck regrettait que le roi de Prusse, que les autres ministres fussent hostiles à l’établissement d’une nonciature à Berlin, car un nonce songerait du moins à faire les affaires de l’Église, ce à quoi Windthorst ne songeait pas. Dans ces boutades, tout le plan bismarckien transperçait : il consistait à disqualifier aux yeux de Rome, à faire révoquer et remplacer par Rome le petit guelfe qui, depuis seize ans, dans les assemblées parlementaires, agissait en procureur des intérêts de l’Eglise.

La situation pour Windthorst était extrêmement critique. Le 5 février, il prenait le train, en gare de Hanovre, pour aller à Cologne haranguer les Rhénans. « Le Pape pour le septennat ! Le Pape contre le Centre ! » criait-on autour de lui. Il ouvrit les journaux qui venaient d’arriver : il y trouva, intégrale, la seconde lettre de Jacobini à Di Pietro. Des visages anxieux l’attendaient à Cologne ; la réunion était convoquée, pour le soir du 6. On avait encore assez d’heures pour s’enfiévrer dans l’indécision, et trop peu de temps, d’autre part, pour concerter mûrement une attitude ; et lui, sur un coin de canapé, tranquille et longuement silencieux, songeait. Puis, à brûle-pourpoint, devenu gai, il interrogea son entourage ; on causa, l’unanimité des avis acheva de le rassurer ; son discours était fait. Il y eut foule, en cette tragique soirée, dans la vaste salle du Gürzenich, où Cologne, à travers les siècles, fêta toutes ses gloires : un nouveau souvenir historique allait s’attacher à cette salle, grâce à Windthorst. Il fallait traverser, pour entrer, une rangée de vendeurs de la Gazette de Cologne : la feuille nationale-libérale avait, dans une édition spéciale, reproduit et mis en valeur la note du cardinal Jacobini : le Centre était exécuté, enfin, et exécuté par le Pape !

Windthorst fut acclamé, remercia, fit rire par une plaisanterie, et tout de suite aborda la question qui pressait les consciences. Ce n’est pas à nos adversaires de se réjouir, s’écria-t-il, c’est à nous, puisque le Pape reconnaît les mérites que nous avons eus, puisqu’il estime que le Centre doit durer ; pourrions-nous souhaiter meilleur appel électoral que celui que le Saint-Père nous a fait adresser ? Il relevait dans la lettre du cardinal