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invectives qui appelaient sur Rome, et sur les protestans pactisant avec Rome, la « colère de Luther. » Insouciance ou bien audace, Bismarck avait continué de pactiser, et les protestans de s’alarmer. « Depuis la guerre de Trente Ans, observait la Gazette Rhénane et Westphalienne, jamais ne régna pareille hostilité entre protestans et catholiques. » Alors le professeur Beyschlag, en mai 1886, faisait déclarer par un congrès protestant que l’État n’avait pas le droit d’oublier la Réforme, l’Église évangélique, racines essentielles de sa force morale ; et le 28 de ce même mois de mai, — de ce mois dont le nom seul, naguère, rappelait aux « Romains » de funestes attaques, — un comité, suscité par ce même professeur, se réunissait à Halle pour aviser à la défensive de l’État contre Rome. On ne travaillait pas en cachette ; on ne ménageait à Bismarck aucune surprise traîtresse ; on le prévenait. La grande-duchesse de Saxe-Weimar, marraine spirituelle de cette Ligue Évangélique qu’on allait fonder, informait correctement la chancellerie de l’Empire. La Ligue allait, à l’automne, tenir à Erfurt une assemblée ; elle projetait la publication contre Rome d’une longue série de « tracts, » qui, aujourd’hui même, se prolonge encore ; et pour l’instant, dans une correspondance qu’elle expédiait aux feuilles protestantes, elle incriminait vivement la politique ecclésiastique du chancelier, « coupable, disait-elle, d’appliquer un mode de calcul politique dans le règlement des questions d’Église, de questions qui ne sont pas de ce monde. »


VI

Tous ces échos de Prusse arrivaient au Vatican. Ni ceux qui gémissaient sur la défaite de l’État, ni ceux qui souriaient à l’amitié nouvelle du Saint-Siège et de Bismarck n’étaient de nature à déplaire à Léon XIII. En revanche, une lettre de l’archevêque Krementz, datée du 6 mai, écrite au nom de tous les évêques de Prusse, lui disait leur inquiétude commune, et le questionnait sur la portée des concessions papales. Pour que le gouvernement exerçât son droit de veto, faudrait-il que les faits allégués contre un prêtre fussent pleinement prouvés, ou bien, seulement, considérés par le pouvoir civil comme acquis ? L’épiscopat craignait que les prêtres les plus zélés ne fussent exclus des cures, en punition, par exemple, de leur rigorisme